Suspectée par les Etats-Unis de manquer de zèle dans l’application des sanctions contre la Russie, la Suisse oblige les banques à annoncer si des individus ou entités visés par des sanctions sont clients. Sur le papier, appliquer des sanctions internationales paraît assez simple. Il s’agit de comparer deux listes de noms: celle des clients d’une banque et celle des individus placés sous sanctions par le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) ou par les Etats-Unis, en particulier.

En pratique, l’opération peut être compliquée par le risque d’homonymie ou les multiples manières de transcrire en alphabet latin un nom de famille en cyrillique. Les banques doivent également passer au crible les ayants droit économiques des comptes, c’est-à-dire les bénéficiaires ultimes des fonds, qui ne sont pas forcément les titulaires des comptes, donc les clients.

En cas de signalement positif, une banque doit bloquer les avoirs concernés et annoncer le cas au Seco. Cette obligation d’annonce s’applique également aux autorités fiscales, aux offices du registre foncier, aux registres du commerce et à toute personne ayant des soupçons.

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Enquêtes en cours

Chargé de l’exécution et de la surveillance des sanctions en Suisse, le Seco précise avoir mené deux procédures pénales administratives pour violation de l’ordonnance ukrainienne. L’une s’est conclue par une amende, l’autre par une amende avec sursis. Une autre procédure est en cours et d’autres cas suspects font l’objet d’enquêtes, ajoute le Seco, qui ne communique pas de détails sur ces dossiers.

Les peines maximales encourues sont d’un an de prison ou 500 000 francs d’amende, voire cinq ans d’emprisonnement ou 1 million de francs d’amende dans les cas plus graves. L’approche suisse repose sur la responsabilité des entreprises concernées, relève encore le Seco, rappelant que la loi sur les embargos étant en vigueur depuis près de vingt ans, les acteurs de la finance sont supposés être au courant des sanctions. Cette loi comprend 24 régimes de sanctions.

«Il y aura des contrôles à l’avenir»

«Il y aura des contrôles à l’avenir, aucun doute là-dessus, sur les procédures, les méthodes et les résultats», nous a confié un banquier sous le couvert de l’anonymat. Une prédiction confirmée par la Finma, en réponse à nos questions. Le surveillant du secteur financier peut déclencher une enquête ou mandater un audit par un spécialiste externe s’il dispose d’indices que les processus des banques sont systématiquement insuffisants ou que des règles ont été enfreintes.

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En pratique, le risque existe toujours pour une banque de rater un client sous sanction, par omission volontaire, erreur ou après avoir été trompé par le client. La première option expose à des sanctions dissuasives, comme l’ont montré les lourdes amendes distribuées ces dernières années par les Etats-Unis. Les deux autres risquent de montrer que la banque ne dispose pas des ressources suffisantes ou n’est pas suffisamment organisée pour gérer ces risques. C’est-à-dire l’élément principal que la Finma observe chez un intermédiaire financier.