Eveline Widmer-Schlumpf quittera la scène fédérale sans avoir pu mettre en place la stratégie d’argent entièrement propre pour laquelle elle s’est battue et qui est pourtant soutenue par la majeure partie des acteurs de la place financière suisse.

Mercredi, le Conseil des Etats a suivi le Conseil national dans son refus d’obliger les banques suisses à veiller à ce que tous les nouveaux dépôts de clients étrangers sont fiscalisés.

Le Conseil des Etats, contre l’avis des parlementaires de gauche, a refusé, par 28 voix contre 15, d’entrer en matière sur la suppression complète du secret bancaire. Il continuera à s’appliquer envers les ressortissants des pays qui n’envisagent pas de signer un accord d’échange automatique de renseignements fiscaux (EAR) avec la Suisse, en particulier des pays asiatiques comme la Chine ou la Malaisie.

Aujourd’hui, une centaine de pays se sont engagés dans le cadre de l’accord international élaboré par l’OCDE, à mettre en oeuvre l’EAR en 2017 ou 2018. La Suisse a accepté ce principe de renonciation au secret bancaire pour de très nombreux contribuables étrangers en signant l’accord OCDE en novembre 2014.

A la suite du Conseil national, le Conseil des Etats a ratifié ces dispositions mercredi. Elles permettront une entrée en vigueur, dès 2018, du transfert automatique, au fisc en fin d’année, de certaines données bancaires de revenu et de fortune. Les contribuables suisses qui ne possèdent pas de comptes à l’étranger ne sont pas touchés. C’est l’autre exception à la levée totale du secret bancaire, à côté de celle, maintenue mercredi, pour les pays hors accords EAR.

L’accord de principe sur la procédure EAR devra être suivi d’accords pays par pays qui prévoient, en règle générale, des dispositions d’amnistie fiscale partielle. Le Conseil fédéral a déjà présenté des projets avec l’Australie et l’Union européenne que le parlement devra ratifier l’an prochain.

Eveline Widmer-Schlumpf a tenté un baroud d’honneur en plaidant pour une diligence accrue des banquiers suisses dans tous les cas de dépôts de contribuables étrangers, quelle que soit leur provenance. «Il s’agit d’éviter que de l’argent non fiscalisé continue à aboutir sur des comptes en Suisse et provoque des dégâts collatéraux à la place financière», explique la conseillère fédérale.

«C’est du perfectionnisme helvétique qui réduit la compétitivité de la place financière», rétorque le PDC soleurois Pirmin Bischof. «Nous avons le devoir de ne pas créer de distorsion de concurrence au détriment des banques suisses», ajoute l’UDC schwytzois Peter Foehn.

«La place financière a justement tout intérêt à ce que soit bouchés tous les trous d’évasion fiscale pour que sa réputation soit irréprochable», plaide, au contraire, Anita Fetz (PS/BL). Son collège de parti Christian Levrat soupire: «Vous savez pourtant bien qu’une stratégie de niche basée sur l’évasion fiscale n’a plus aucune chance aujourd’hui dans la gestion de fortune internationale». Eveline Widmer-Schlumpf a souligné, en vain, qu’une situation de saine concurrence entre les établissements suisses implique que tous appliquent les mêmes règles de diligence et de contrôle de fiscalisation des dépôts.

Les dispositions légales qui permettent d’introduire la procédure EAR sur la base de l’accord OCDE n’ont pas fait l’unanimité au Conseil des Etats. Trois parlementaires UDC les ont refusées. Des divergences entre les deux Conseils, notamment à propos d’une amnistie fiscale interne parallèle, doivent encore être éliminées.