Le secteur du luxe pèserait 1800 milliards de dollars
Etude Le marché devrait continuer de croître
L’industrie mondiale du luxe serait totalement sous-estimée. C’est du moins ce qu’estime The Boston Consulting Group (BCG). Afin de proposer une nouvelle approche, si possible exhaustive, le cabinet d’études a interrogé 1000 personnes influentes dans neuf marchés matures et quatre nations émergentes sur leur propre interprétation et définition d’un achat de luxe. Résultats: cette industrie générerait in fine des ventes de 1800 milliards de dollars (1630 milliards de francs), relate l’étude publiée le 31 janvier. Jusqu’ici, on considérait que ce secteur pesait seulement 400 milliards. Mais ces estimations n’englobaient pas ce que les spécialistes appellent le luxe «expérientiel». Soit, entre autres, la gastronomie, les arts, les voyages, le yachting, les spas ou encore la décoration d’intérieur. Le philosophe français Yves Michaud, connu notamment pour l’ouvrage Enquête sur l’industrialisation du plaisir (Editions NiL, 2012), parlait déjà d’une évaluation du marché à environ 1000 milliards d’euros. Au-delà des simples objets – aussi beaux ou chers soient-ils –, le nouveau luxe valorise toujours plus une esthétisation des nombreux domaines de l’existence. De manière plus prosaïque, BCG a aussi ajouté à son classement les voitures de luxe, qui pèseraient 440 milliards.
Et malgré les soubresauts inévitables, les experts du cabinet d’études s’attendent à de belles perspectives pour le luxe. Ils misent sur une croissance moyenne de 7% dans les années à venir. Soit un léger ralentissement après les 11% de ces deux derniers exercices. Et c’est justement sur le segment du luxe «expérientiel» que la demande sera la plus forte, avec une hausse escomptée de 14%. Car certains consommateurs fortunés seraient désormais lassés et fatigués de remplir leurs armoires de produits onéreux et d’accumuler les grosses cylindrées dans leur garage.
L’être, mieux que le paraître
Ils préféreraient, à en croire BCG, vivre une expérience hors du commun, inoubliable. Etaler son luxe serait passé de mode. Karl Marx disait d’ailleurs déjà que le luxe est tout autant un vice que la pauvreté et qu’il faudrait avoir pour but d’être plus et non d’avoir plus. C’est ce qu’on peut appeler le transfert du luxe ostentatoire vers le(s) luxe(s) émotionnel(s), du produit au service. D’ailleurs, selon Gilles Lipovetsky, sociologue et philosophe, il s’agit moins de montrer aux autres que de jouir en privé de biens que l’on aime pour leur rêve. «On achète des marques de luxe non plus en raison d’une pression sociale mais en fonction des moments et des envies.»
BCG donne un exemple de ce transfert de l’avoir à l’être, particulièrement prisé des Asiatiques. Récemment, un riche Chinois a dépensé 1,5 million de dollars pour visiter les 981 sites classés au patrimoine mondial de l’Unesco (dont 11 en Suisse). Un voyage qui durera deux ans. Un récent sondage montrait d’ailleurs que 29% des Chinois préfèrent désormais enrichir leurs expériences plutôt que d’acquérir de nouveaux produits de luxe. Dans ce secteur, l’être défie désormais le paraître.