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Sur la sellette, l'ex-prodige de la finance Dieter Behring doit restructurer sa galaxie

Après avoir constitué un groupement de sociétés financières autour d'un concept de gestion purement informatique, l'homme d'affaires bâlois voit ses rêves de grandeur éclater. L'hémorragie des fonds de la clientèle le contraint à redimensionner son pôle logiciel Swisspulse

La conférence de presse annoncée la veille par le financier Dieter Behring a finalement été différée mardi matin «en raison de contraintes réglementaires», selon les excuses bredouillées par son avocat. Après les déboires de Martin Ebner au cours de l'été 2003, ce sont ceux du Bâlois d'adoption qui ont défrayé la presse alémanique cet été. Notamment en raison de leurs implications politiques au travers de la Fondation caritative Pro Facile. Des fonds prêtés à la fondation à des taux d'intérêt de quelque 3 ou 4% étaient en partie réinvestis aux taux de rendement élevés que Dieter Behring (49 ans) faisait miroiter au moyen de ses programmes informatiques de gestion et de placements sophistiqués.

Développés au fil des années et commercialisés sous l'appellation Swisspulse, ces programmes peuvent être comparés à ceux de certains hedge funds ou fonds spéculatifs. Dieter Behring a même siégé au conseil de la fondation Pro Facile en compagnie, notamment, de deux personnalités politiques socialistes, la conseillère aux Etats bâloise Anita Fetz (LT du 15.07.2004) et le conseiller d'Etat soleurois Roberto Zanetti. Mais la part de la fortune de la fondation investie dans des fonds liés à Dieter Behring était évaluée à quelque 400 000 francs, donc nettement inférieure aux montants gérés pour les gros clients. «Pour l'utilisation de ces logiciels, il faut un capital minimum de 20 millions de dollars – autrement dit une grosse fortune. Ceux-ci n'entrent donc en ligne de compte que pour des investisseurs institutionnels», expliquait Dieter Behring à Finanz & Wirtschaft du 31 juillet dernier. Plutôt qu'un gérant de fonds, il juge d'ailleurs plus opportun de se présenter comme un fournisseur de logiciels.

Mais le pot aux roses finit par être découvert. Sous le titre «Le gros coup de bluff du magicien bâlois de la Bourse», Cash du 24 juin dernier s'emploie à démonter le système de flux de fonds que le financier utilise pour faire transiter les avoirs des investisseurs par les voies impénétrables de places off-shore. Un article auquel le financier réagit en portant plainte contre l'hebdomadaire économique.

Par la voie de sa porte-parole Tania Kocher, la Commission fédérale des banques (CFB) réfutait mardi l'explication selon laquelle la CFB serait à l'origine de l'annulation de la conférence de presse de mardi. Certains observateurs s'attendent en effet à ce que le financier bâlois annonce la vente de la Banque Redsafe, qu'il avait reprise, avec un associé, au groupe Swiss Life en janvier 2003. Redsafe attend en effet toujours la réactivation de sa licence bancaire. Et la longueur de la procédure trouverait sa raison dans les enquêtes requises sur le passé de Dieter Behring. Une cession de la banque serait dès lors plus favorable à sa mise en valeur au vu de la crédibilité défaillante du financier.

Une ascension fulgurante

Quant à la fortune gérée via les sociétés contrôlées par Dieter Behring, celle-ci s'élevait à 1,4 milliard de dollars à fin 2003, d'après Finanz & Wirtschaft. Selon d'autres estimations, ce montant correspondait à la fortune gérée par le biais des programmes Swisspulse. Toujours est-il que l'opprobre jeté sur le financier – que celui-ci met sur le compte de quelques journaux alémaniques – a provoqué des retraits de fonds. La fortune gérée exclusivement par le biais des systèmes maison aurait ainsi été réduite à 580 millions de francs, selon Finanz & Wirtschaft du 18 août 2004. Deux semaines plus tôt, Dieter Behring écartait tout risque de crise de liquidités. Mais il évoquait la restructuration du groupe, soit l'ouverture de celui-ci à de nouveaux partenaires ou la vente de certaines activités. A ces problèmes vont s'ajouter ceux des caisses de pension et assurances qui ont été séduites par le personnage. A noter cependant que, pour l'instant, aucun chiffre n'a été articulé concernant les (éventuelles) pertes que les clients du Bâlois auraient eu à accuser.

La débâcle du financier fait alors ressortir son ascension impressionnante. Après un apprentissage de laborantin chez Ciba-Geigy, Dieter Behring passe son diplôme de maturité par correspondance. Et dès 1978, il se met à développer des programmes informatiques dédiés au négoce boursier. Devenu riche à la fin des années 90, sa fortune est évaluée à 450 millions de francs par l'administration fiscale. A Bâle, il fait alors parler de lui par son train de vie, mais aussi par ses projets de mécénat, notamment pour un musée horloger et même pour un centre d'art contemporain.