Par habitant, la Suisse dépense 27 831 dollars pour la formation tertiaire, ce qui la place au deuxième rang des pays de l’OCDE derrière les Etats-Unis. Les dépenses consacrées à la recherche et à l’enseignement universitaires ont augmenté de 70% depuis l’an 2000. Le rythme ne pourra pas être maintenu en raison des besoins croissants liés à la démographie, par exemple pour la santé, et à cause des contraintes financières des cantons, indique Avenir Suisse dans une nouvelle étude (Les Hautes Ecoles suisses. Plus d’excellence, moins de régionalisme) réalisée par Matthias Ammann, Patrik Schellenbauer et Peter Grünenfelder.

Une hausse des frais impossible à maintenir

Entre 2005 et 2014, les dépenses de formation ont augmenté de 41% pour Vaud et Zurich, 33% pour Fribourg ou 48% pour Bâle-Ville. De telles augmentations ne peuvent se poursuivre indéfiniment. Certes, les deux écoles polytechniques ainsi que les Universités de Genève et Zurich figurent au sein du top 100 du classement des meilleures universités établi (Shanghai Jiao Ranking). Mais pour rester au sein des meilleurs, il faudra faire des choix, selon l’étude.

La prospérité de la Suisse dépend de la compétitivité de l’enseignement supérieur. Cet objectif suppose des critères d’efficacité et non de politique régionale si l’on veut atteindre l’excellence.

«La manière dont les fonds sont utilisés doit être dépolitisée, en s’alignant sur des critères de performance liés à la recherche et à l’enseignement. Par exemple, le financement et le choix des sites ne doivent pas être soumis aux intérêts de la politique régionale», écrivent les auteurs.

Besoin d’efficacité et d’excellence

L’augmentation massive de l’offre de formation tertiaire en Suisse se traduit par une perte de qualité et l’émergence de doublons. Par exemple, l’ouverture en 2014 de la Faculté d’économie au sein de l’Université de Lucerne est difficilement compréhensible si l’on sait que la haute école spécialisée de la même ville est déjà forte dans la formation en management. Six des dix universités disposent d’une offre dite complète. Mieux vaudrait se spécialiser, selon Avenir Suisse.

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La quête d’excellence encouragée par la concurrence entre institutions est pénalisée par l’imbrication de la Confédération et des cantons et le «pot-pourri» d’intérêts divergents, selon Avenir Suisse.

Le financement de base des hautes écoles est lié au nombre d’étudiants. Le système encourage donc une extension de l’offre plutôt qu’une excellence de qualité et d’efficacité, révèle l’étude. Compte tenu du mode de calcul, c’est encore plus vrai pour les hautes écoles spécialisées. Les universités se financent traditionnellement davantage à travers leur recherche.


Les dix propositions d’Avenir Suisse

Le laboratoire d’idées présente un programme de réforme en dix points afin de renforcer le système d’enseignement tertiaire:

1. Davantage de marge de manœuvre. Les hautes écoles ont besoin de flexibilité organisationnelle et financière pour assumer leurs responsabilités. Les conseils des hautes écoles doivent être composés non de politiciens mais de personnes de la science, de l’économie ou de la société. Sous cet angle, l’étude ne manque pas d’éloge pour la transformation de l’EPFL ces dernières années. Son gain d’autonomie n’est pas étranger à ses succès mondiaux.

2. Des critères d’accréditation clairs. La reconnaissance et l’évaluation s’effectuent selon des standards uniformes et toute influence politique est exclue.

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3. Baisse du financement de base de la Confédération afin d’éliminer les incitations négatives à étendre l’offre de formation dans les cantons. Les ressources ainsi libérées iront aux organismes existants: Fonds national suisse et Innosuisse.

4. Ouverture du Fonds national suisse aux instituts de recherche privés. La recherche doit être subventionnée uniquement en fonction de critères d’excellence.

5. Augmentation du financement par le privé, parce que la recherche contractuelle liée aux projets crée un lien avec l’économie privée et la société.

6. De meilleures incitations pour les étudiants. Les taxes d’études sont modérément accrues pour sensibiliser les étudiants à leurs choix. A long terme, le système universitaire devrait être financé par un système de bons de formation (vouchers) ou un compte de formation.

7. Une meilleure sélection par des évaluations d’aptitude permet aux étudiants de mieux choisir la formation qui leur convient.

8. La conférence des hautes écoles garantit la transparence en matière de qualité de l’enseignement et crée un nouvel indicateur de transparence sur la base d’un sondage auprès des diplômés.

9. Choix stratégique clair des hautes écoles. Soit l’importation de talents et l’intégration au marché du travail, soit l’exportation de la formation où les hautes écoles mettent l’accent sur la valeur ajoutée pour des étudiants étrangers.

10. Ouverture du marché du travail aux talents. Les diplômés étrangers des hautes écoles dans les secteurs souffrant d’une pénurie de main-d’œuvre qualifiée sont exemptés du contingent pour pays tiers et obtiennent un accès au marché du travail suisse.