Eveline Widmer-Schlumpf vide ses tiroirs avant son départ. La conseillère fédérale en charge des Finances a fait passer mercredi au Conseil fédéral un projet entamé en 2012. Très controversé au départ, il vise le renforcement de la surveillance de tous les établissements financiers, petits gestionnaires de fortune et assureurs-vie compris (loi LEFin), et la protection accrue des consommateurs de produits bancaires (loi LSFin).

La LSFin permettra d’éviter des investissements basés sur des conseils «fumeux».

Ces lois sont une réponse à la crise financière de 2008 due en partie à des produits dérivés dont la complexité et la présentation biaisées ont désorienté les clients et ruiné certains d’entre eux. La LSFin permettra d’éviter des investissements basés sur des conseils «fumeux". Le secteur bancaire a toujours été surveillé, mais de nombreux établissements financiers, notamment les sociétés de gestion de fortune, échappaient à un contrôle strict. Ce ne sera plus le cas avec la LEFin.

Contrairement à son habitude, Eveline Widmer-Schlumpf s’est abstenue, mercredi, de venir commenter devant la presse ces éléments importants de la nouvelle orientation de la politique financière qu’elle a initiée.

Multiples compromis

Les deux lois, désormais soumises au parlement, sont le fruit de multiples compromis pour échapper à un rejet par les Chambres. Les protestations des milieux financiers contre cette réglementation jugée excessive, parfois qualifiée de «monstre bureaucratique", ont été entendues. De nombreux allègements et la suppression de certains nouveaux droits des consommateurs ont été consentis par Eveline Widmer-Schlumpf. Pourtant, les textes approuvés mercredi, qu’elle ne défendra plus devant le parlement, ne conviennent tout de même pas à une partie de la place financière et économique.

L’Union suisse des arts et métiers critique vivement ces lois qui font «que le client n’est plus responsable de ses décisions «et «conduisent à une distorsion flagrante du marché en pénalisant les PME actives dans le domaine financier". L’Association des gérants de fortune s’oppose aussi au projet qui implique «un gonflement inutile de l’appareil de surveillance". L’Association suisse d’Assurances se place dans le même camp en estimant que la branche de l’assurance ne doit pas être assujettie à ces lois, tout en admettant le renforcement d’autres textes légaux spécifiques aux assurances. L’Association suisse des banquiers, vivement opposée aux projets originaux, entre par contre en matière sur les LSFin et LEFin remodelées.

Le Conseil fédéral a renoncé au renversement du fardeau de la preuve. Autrement dit, ce sera au client à prouver qu’il a été induit en erreur par son conseiller financier et non au gestionnaire de prouver qu’il a explicitement averti le client des risques qu’il courrait en investissant dans tel ou tel produit. L’idée d’introduire une procédure judiciaire d’action collective (class action aux Etats-Unis) a été abandonnée, de même que celle d’obliger les établissements financiers à constituer un fonds de couverture des frais judiciaires engagés par leurs clients. Les tribunaux ne pourront cependant plus demander une avance de frais.

Les clients devront être clairement informés

L’interdiction de vendre des produits structurés à certains clients n’a plus été retenue, de même que l’obligation, pour les prestataires de services étrangers, d’établir une succursale en Suisse. La France l’exige par exemple de la Suisse. Le but de ces nouvelles lois est aussi de faciliter la négociation politique d’un accord sur les services financiers avec l’Union européenne. Les règles techniques prévues ne sont pas identiques mais jugées équivalentes à celles en vigueur chez nos voisins. Le client devra être clairement informé, et tous les établissements seront surveillés selon une procédure différenciée allégée pour les PME.