La pression monte sur Mario Draghi. Ce jeudi, le président de la Banque centrale européenne (BCE), qui tiendra la conférence de presse mensuelle de l’institution, ferait bien de s’inspirer de plusieurs de ses homologues grands argentiers, estiment de nombreux experts et le marché en général.
Le banquier central ne fait plus seulement face à une croissance molle dans la zone euro. La récession menace à nouveau. L’Allemagne – jusqu’ici moteur du groupe – vient déjà d’enregistrer un trimestre de contraction. A cela s’ajoute un risque toujours inquiétant de déflation. L’inflation dans la zone euro est à son plus bas en cinq ans.
Pour beaucoup d’observateurs, il ne faut plus attendre: la réponse est simple, disent-ils. Il faut lancer, comme la Banque d’Angleterre, la Réserve fédérale américaine et la Banque du Japon un fameux «QE». Ces plans d’assouplissement quantitatif (ou quantitative easing, QE) reviennent, pour une banque centrale, à racheter en quantité astronomique des actifs. Il s’agit généralement d’obligations souveraines, mais, dans le cas des Etats-Unis, également de titres liés au marché immobilier.
Lors de la grande conférence des banquiers centraux fin août à Jackson Hole aux Etats-Unis, Mario Draghi a montré son inquiétude face au niveau de l’inflation. Des propos qui ont été interprétés par le marché comme le signe que l’Italien prépare un QE à l’européenne.
Les marchés ont-ils entendu ce qu’ils souhaitaient entendre? Réponse demain. Pour l’heure, peu d’économistes s’attendent à une décision rapide. Ce d’autant qu’en juin, la BCE a annoncé une série de mesures dont certaines n’ont même pas encore été mises en œuvre. En particulier, les TLTRO ouvriront leurs guichets mi-septembre seulement. Ce programme prévoit des prêts aux banques à condition que celles-ci les utilisent pour offrir des crédits au secteur privé. Certes, son efficacité reste à démontrer. Mais cette mesure a l’avantage de cibler le problème de la zone euro. Plutôt qu’un manque de liquidité – que résoudrait un QE –, elle peine à redémarrer parce que les entreprises manquent de financement. En outre, la BCE a évoqué en juin la possibilité de racheter des titres dits ABS (asset-backed securities, pour titres adossés à des actifs). Elle semble travailler en ce moment sur un tel plan.
Rien n’indique que le QE constitue le remède miracle dans toutes les situations. Même si le marché, amateur de liquidité en grande quantité, a tendance à le voir ainsi. La Grande-Bretagne, dont les chiffres de la croissance ont pu faire pâlir d’envie ses voisins d’Europe continentale, semble aller mieux. Les Etats-Unis ont rebondi plus vite et plus fort depuis la crise. Mais le Japon, après avoir accueilli à bras ouverts les «Abenomics», est retombé dans la morosité. Pour que le renchérissement redémarre dans l’Archipel, il faudrait notamment que les entreprises augmentent les salaires. Elles ne le font pas. La banque centrale peut injecter autant de liquidité qu’elle le souhaite, elle ne pourra rien changer à l’attitude de ces sociétés pourtant assises sur des montagnes de cash.
Un programme de rachat de dette souveraine en Europe aurait eu tout son sens en 2012 et avant, alors que la flambée des taux souverains menaçait d’étouffer plusieurs pays de la périphérie. Depuis, il a suffi que «Super Mario» déclare, à l’été 2012, être prêt à faire «tout ce qui sera nécessaire pour préserver la zone euro» pour que les taux d’intérêt reviennent à des niveaux acceptables.
Ces taux ont encore chuté. Pour l’Allemagne et la France, les niveaux ont rarement été aussi bas. En début de semaine, la France avait, pour la première fois, vu le taux de ses emprunts à deux ans devenir négatif. Dans la périphérie également, les gouvernements se financent à nouveau à des taux qui rappellent ceux d’avant la crise. Même le Portugal n’a pas vu ses taux d’intérêt bondir avec la débâcle de Banco Espirito Santo.
Dans ce contexte, rien n’empêche la BCE de lancer un QE. Mais il ne faut pas trop en attendre. Les taux sont bas – ils peuvent toujours être abaissés et cela peut toujours encourager l’activité –, cela ne réglera pas le problème auquel font face les petites entreprises en manque de crédit. Un plan de rachat d’actifs peut également nourrir une inflation qui reste trop faible. Et, a contrario, on sait maintenant que ces plans ne nourrissent pas un renchérissement galopant, loin de là. Le risque est donc limité.
Si la BCE peut encore fournir un coup de pouce, cela ne reviendra, comme ces dernières années, qu’à jouer les pompiers à court terme. Mario Draghi l’a déjà signalé, la balle est aujourd’hui dans le camp des gouvernements. Allemand, notamment, dont les finances publiques figurent parmi les plus saines, qui pourrait lancer un plan de relance qui profiterait à toute la zone. Les autres gouvernements ont aussi leur part du travail en mettant en place – ou en continuant de le faire – les réformes structurelles. C’est cela qui aidera vraiment l’économie européenne à long terme.
Rien n’indique que le QE constitue le remède miracle dans toutes les situations et dans la zone euro en particulier