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A Shanghai, le confinement étouffe les PME

Après des semaines à lutter contre un foyer de covid avec des mesures ciblées, Shanghai a décidé de confiner ses 25 millions d’habitants. L’activité manufacturière tombe au plus bas depuis deux ans

Un employé en habit de protection durant le confinement, à Shanghai, 1er avril 2022. — © ALY SONG / REUTERS
Un employé en habit de protection durant le confinement, à Shanghai, 1er avril 2022. — © ALY SONG / REUTERS

Cyril Pilard, patron de Must grill, un restaurant de grillades situé dans le district de Jing’an, au cœur de Shanghai, a dû fermer trois semaines avant la fermeture générale de la métropole.

«L’impact est monstrueux: on nous a autorisés à vendre à l’emporter certains jours, mais ce n’est pas le style de notre restaurant. Les gens viennent chez nous pour l’ambiance, et on gagne aussi pas mal sur l’alcool. Pour nous, le confinement, c’est 95% de chiffre d’affaires en moins! Il faut voir combien de temps ça dure: en 2020, la consommation était repartie très fort après la fin des restrictions, et on avait finalement fait une bonne année. Si ça traîne, notre survie est en jeu. On espère pouvoir négocier une réduction de loyer», témoigne cet entrepreneur, qui s’inquiète aussi de voir les expatriés quitter la Chine en masse, frustrés par la quasi-fermeture des frontières chinoises.

Un confinement pour 18 grandes villes

Après des semaines à tenter de limiter l’expansion de l’épidémie d’Omicron avec des mesures ciblées, le gouvernement de Shanghai a décidé de mettre toute la ville sous cloche, en deux temps: Pudong, la partie de la ville située à l’est du fleuve Huangpu, a été confinée du 28 mars au 1er avril, et Puxi, la partie ouest, dont fait partie Jing’an, du 1er au 5 avril. Mais la réouverture s’annonce compliquée alors que la ville enregistre des milliers de cas par jour. Un échec pour la métropole de 25 millions d’habitants, qui tentait jusqu’ici de limiter l’impact de la lutte contre le covid sur la population et l’économie. Malgré les appels à la mesure, l’objectif de Pékin reste le zéro covid, qui ne semble fonctionner qu’à condition de prendre des mesures drastiques dès les premiers cas.

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Au total, 18 grandes villes chinoises représentant 8,5% du PIB du pays ont adopté des mesures de confinement strictes en mars, dont Changchun, ville industrielle du nord-est, et toute la province qui l’entoure – le Jilin – ainsi que Shenzhen, la «Silicon Valley» chinoise, juste en face de Hongkong. Une vingtaine d’autres villes ont pris des restrictions variées. «Ces villes et les régions adjacentes (représentant au total 22% du PIB chinois), vont souffrir de problèmes économiques plus larges, y compris des problèmes de chaîne d’approvisionnement», a écrit Ernan Cui, économiste au sein du cabinet de conseil Gavekal Dragonomics, dans une note publiée mardi 29 mars. Morgan Stanley prévoit une croissance nulle pour le premier trimestre, et a abaissé sa prévision pour l’année de 5,3% à 5,1%, soit bien en dessous de l’objectif fixé par le gouvernement chinois de 5,5%.

L’activité manufacturière en recul

Après Tesla, Volkswagen et Toyota ont annoncé suspendre la production à Shanghai cette semaine. Les géants allemand et japonais avaient déjà dû suspendre l’activité de leurs usines au Jilin deux semaines plus tôt. A ce stade, le port de Shanghai, le plus grand de Chine, continue à fonctionner, quasiment en vase clos: les employés n’ont pas le droit d’en sortir. Mais l’accès des camions au port est fortement perturbé par les contrôles, retardant les exportations chinoises. Les grandes entreprises peuvent en général reprendre la production plus rapidement si elles disposent de dortoirs pour leurs salariés. En conséquence, l’activité manufacturière est au plus bas depuis deux ans: l’indice d’activité des directeurs d’achat (PMI), calculé par le cabinet IHS Markit pour le groupe de médias Caixin, s’est établi à 48,1 points le mois dernier, contre 50,4 en février. Un nombre inférieur à 50 traduit une contraction de l’activité.

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Les autorités ont conscience du problème. Depuis quelques mois, les appels de Pékin à minimiser l’impact des mesures sanitaires se multiplient. Le président Xi Jinping a déclaré le 17 mars que le pays «doit faire au mieux pour atteindre le plus haut niveau de prévention et de contrôle, avec le coût le plus bas possible, en minimisant l’impact économique et social du covid». Mais le variant Omicron, extrêmement contagieux, semble échapper aux demi-mesures. Pour limiter la casse sociale, la Chine a annoncé début mars un paquet de 2500 milliards de yuans (363 milliards de francs) de baisses de charges pour cette année. Le 29 mars, Shanghai a renchéri avec 140 milliards (20 milliards de Francs) pour les entreprises locales. Mais les plus petites entreprises bénéficient souvent moins de ces mesures.

Un risque pour la stabilité sociale

«Mais pour payer des taxes, encore faut-il gagner de l’argent!», pointe Ying Shen, patronne de Chez Jojo, deux restaurants français installés dans le centre de Shanghai depuis un an et demi, et fermés depuis le 25 et le 29 mars, quelques jours avant la fermeture officielle de Puxi. Elle espère aussi pouvoir négocier une partie de son loyer. «On s’adaptera: on peut essayer de négocier avec les employés pour que le temps de confinement compte comme temps de vacances. Mais si cela dure, il faudra aussi changer notre menu et notre marketing pour faire plus de vente à l’emporter, explique-t-elle. Le gouvernement ne peut pas tout bloquer plus de quelques semaines, sinon les gens protesteraient, et les autorités font très attention à la stabilité sociale», espère la patronne.