Des sociétés font leur miel sur le toit des autres

Apiculture Les start-up Bees4You et CitizenBees ont su convaincre Johnson & Johnson, Migros, PwC ou UBS d’installer des ruches

La récolte s’avère plus fournie qu’attendu

La première récolte de miel urbain de la start-up Bees4You est achevée. Plus de 600 kilos ont été récoltés au mois de juillet. UBS Genève, PwC, la Fédération des entreprises romandes Genève, le Grand Hôtel Kempinksi, le Centre international de conférences Genève, l’Hospice général ou les EMS de Lancy ont tous leurs ruches sur leurs toits, terrasses ou jardins. «Les employés d’UBS Genève aux Acacias prennent leur pause déjeuner sur une terrasse où ont été installées trois ruches. Nous ne déplorons aucune piqûre, précise Nicolas Marsault, directeur et fondateur de Bees4You, une société qui propose des ruches en location et s’occupe de leur entretien tout au long de la saison apicole. Nous sélectionnons des reines très douces.» Dans le canton de Vaud, Bees4You travaille notamment avec l’Institut Le Rosey. Un palace lausannois a également fait appel à la start-up pour installer des ruches sur son toit. Après son conditionnement, ce miel se retrouvera sur les tables des clients au petit déjeuner.

Le milieu urbain serait plus favorable aux butineuses que les grandes zones de monoculture intensive. En ville, la période de floraison est plus longue qu’à la campagne. «Il y a moins de pesticides et plus de biodiversité. On y trouve des fleurs en permanence», explique Nicolas Marsault, un ingénieur qui a fait sa carrière en tant que contrôleur de gestion chez Merck Serono, avant de travailler comme directeur financier chez Endosense. Passionné d’apiculture, il a décidé de se réorienter pour lancer sa start-up en 2012. Depuis, il a convaincu 11 clients et en vise une vingtaine l’année prochaine. Le projet prévoit aussi des ateliers interactifs autour des abeilles avec les salariés, les résidents, les élèves et la récolte du miel sur site. Coût de l’opération: entre 10 000 à 20 000 francs par an.

Peut-on vraiment faire des affaires en louant des ruches? «Bees4You est rentable. Je compte un employé mais je n’arrive pas encore à me rémunérer complètement, note Nicolas Marsault. Nous allons petit à petit nous intéresser au marché grand public et proposer des ruches technologiques, avec caméras intégrées.»

Une autre société en Suisse romande propose de louer des ruches. Il s’agit de la start-up CitizenBees à Neuchâtel, active dans le domaine depuis 2013. «C’est une année exceptionnelle grâce à la météo favorable», constate Audric de Campeau, fondateur de la société neuchâteloise qui compte 15 clients, dont le groupe Johnson & Johnson ou la Migros. Autre nouveauté: CitizenBees va lancer dès cet automne des ruches connectées sur le toit de l’hôtel Schweizerhof à Berne où 154 kilos de miel viennent d’être récoltés. Munies de webcam et possédant des dizaines de capteurs intégrés, elles permettront un suivi de la ruche en temps réel, sur écran d’ordinateur ou smartphone.

«La concurrence principale provient non pas de start-up mais d’apiculteurs, employés dans des grandes entreprises. Généralement, ils prennent l’initiative d’installer eux-mêmes des ruches chez leur employeur. C’est le cas par exemple chez Merck Serono ou à l’Aéroport de Genève», constate Nicolas Marsault.

Pour les entreprises, les EMS ou les écoles, accueillir des abeilles sur leur site est une manière de s’impliquer au quotidien dans le développement durable. Les films comme celui de Markus Imhoof (More than Honey) ont alarmé le grand public sur le risque de disparition des hyménoptères. 40% de la production mondiale dépend de la pollinisation. Baromètre sanitaire au niveau de la qualité des produits alimentaires, la présence des abeilles est vitale pour l’écosystème et leur survie représente donc un enjeu majeur. Or, 30% des colonies d’abeilles disparaissent chaque année au niveau mondial.

En Suisse, 50% des colonies ont disparu pendant l’hiver 2011-2012. Les causes sont multifactorielles: monoculture et perte de ressources mellifères, utilisation intensive de pesticides, présence de parasites tels que le Varroa et disparition de l’apiculture «familiale». Qu’en est-il de la pollution urbaine? «Etonnamment, on n’en trouve aucune trace dans le miel. L’abeille parvient à filtrer tous les polluants», affirme Audric de Campeau, un entrepreneur qui a quitté Tag Heuer pour vivre de sa passion.

Accueillir des abeilles est pour les sociétés une manière de s’impliquer dans le développement durable