Realpolitik
Dans un revirement de position, les Etats-Unis renoncent à qualifier la Chine de manipulatrice de monnaie. Pendant la campagne électorale, le candidat Trump avait galvanisé les électeurs en évoquant la Chine coupable de la désindustrialisation américaine

La guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine n’aura pas lieu. En tout cas, pas jusqu’à nouvel avis. Dans un revirement à 180 degrés, le président américain Donald Trump a déclaré jeudi soir qu’il n’a plus l’intention de désigner la Chine comme un pays manipulant sa monnaie. Lors de sa campagne électorale, il n’avait cessé d’accuser Pékin de maintenir artificiellement le renminbi à un bas niveau afin de doper les exportations chinoises. Le vol de milliers d’emplois américains par les Chinois était un thème récurrent, lorsque le candidat Trump haranguait les électeurs dans les zones industrielles frappées par la crise.
La législation américaine prévoit une série de mesures punitives – surtaxe sur les importations, accès réduit au marché – lorsqu’un Etat est officiellement reconnu comme manipulateur de monnaie. Pékin y échappe maintenant à la faveur du rapprochement sino-américain. Mais elle avait connu cette pénalité entre 1992 et 1994.
Un nouveau protectionnisme
Donald Trump a officialisé sa volte-face dans un entretien accordé mercredi au Wall Street Journal, quelques jours après avoir reçu son homologue chinois Xi Jinping dans sa villa de Mar-a-Lago en Floride. «Ils ne manipulent pas leur monnaie», a-t-il déclaré. Il a aussi parlé de bonne entente avec le chef d’Etat chinois. En contrepartie, le président Trump a demandé de l’aide de ce dernier pour empoigner le problème avec la Corée du Nord. Toutefois, alors que les Etats-Unis ont dépêché la marine au large de la péninsule coréenne pour dissuader Pyongyang de tester des missiles nucléaires, la Chine exige que la crise soit réglée par la voie diplomatique.
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A Mar-a-Lago, il n’a pas été question non plus de frapper les importations chinoises d’une surtaxe sur les produits importés de Chine. Pendant la campagne électorale, ainsi que lors de son premier discours après son élection en novembre dernier, le nouvel élu à la Maison-Blanche avait menacé d’imposer un droit de douane à hauteur de 45% sur les importations chinoises. Le spectre d’un nouveau protectionnisme avait alors alerté les dirigeants chinois. Depuis, ces derniers se font les champions de l’ouverture des marchés et de la mondialisation.
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Les démocrates critiquent
La normalisation des relations avec la Chine alors que Donald Trump avait promis la guerre suscite les critiques des démocrates. «Cela traduit le manque d’action réelle et forte sur le commerce avec la Chine», a déclaré Charles Schumer, leur chef de file au Sénat, cité par l’AFP. Le meilleur moyen d’amener la Chine à coopérer sur la Corée du Nord est d’être ferme avec eux sur le commerce, qui est la chose la plus chère aux yeux du gouvernement chinois.»
En réalité, la Chine et les Etats-Unis continuent à croiser le fer dans de nombreux dossiers au sein de l’Organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). L’un d’entre eux concerne le statut de l’économie de marché que Washington ne reconnaît pas pour la Chine. Cette étape était prévue pour décembre 2016 dans l’acte d’adhésion de la Chine à l’OMC, mais tant Washington que l’Union européenne rechignent à respecter l’accord. Pékin a fait recours.
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