Entre le film Late Shift, la première expérience cinématique interactive, et Anshar Wars 2, un jeu unique qui socialise la réalité virtuelle, la Suisse du jeu vidéo devient avant-gardiste. Le Temps a rencontré les deux start-up à San Francisco.

Imaginez un film de cinéma interactif qui, au fil de l’intrigue, vous laisse décider à la place du héros. Vos choix sont les siens et influencent le déroulé de l’action. Génial, non?
Si vous êtes davantage branché réalité virtuelle que septième art, imaginez alors un jeu qui, casque Samsung Gear VR sur les yeux, vous permette par la voix d’interagir avec d’autres joueurs, partout dans le monde tout en étant à Lausanne ou Genève. Intriguant et attrayant, non?

Les deux innovations sont pionnières. Elles sont suisses et ont fait leur promotion à la grand-messe annuelle de l’industrie du jeu vidéo, la Game Developers Conference de San Francisco (GDC), qui s’est déroulée du 14 au 18 mars.

Neuf jours après la première mondiale à Zurich, Baptiste Planche et Tobias Weber ont installé les iPad sur la nappe rouge drapant la table de fortune installée dans l’espace dédié à Swiss Games, au sous-sol de l’une des grandes salles du Moscone Center, qui a hébergé la 30e édition de la GDC. Les deux cofondateurs de CtrlMovie reviennent du festival South By Southwest Interactive d’Austin, au Texas. Avant la première britannique à Londres le 2 avril, le duo était dans la Silicon Valley pour présenter Late Shift.

Modèle économique nouveau

«C’est la première expérience cinématique interactive jamais conçue», se targue Baptiste Planche, directeur général de CtrlMovie et producteur de ce long-métrage tourné en 8 semaines à Londres. Concrètement, comment ça marche?

Durant le film le spectateur est amené à faire un choix entre deux options affichées en bas de l’écran pour prendre les décisions à la place du héros. L’action ne s’arrête jamais et s’ajuste en temps réel. Si vous regardez Late Shift séparément avec trois amis, personne n’aura vu la même fin ni le même film.

Disponible sur l’Apple Store depuis le 10 mars, l’application de la start-up de 5 employés basée à Altishofen (LU), est un divertissement hybride entre le jeu et le cinéma. Avec sa technologie propre brevetée en Europe et aux Etats-Unis, le film peut se regarder au cinéma, comme ce fut le cas à Zurich le 9 mars pour son lancement au niveau mondial. «Mais c’est avant tout un contenu conçu pour le marché des mobiles», explique Baptiste Planche.

Lié à Samsung

Late Shift, qui a nécessité plus de six mois d’écriture et neuf mois de postproduction, se regarde donc sur iPhone ou iPad. Son modèle économique est risqué, car sans précédent comparable. Il permet de dupliquer gratuitement la technologie afin de reproduire une expérience identique sur un autre film. En contrepartie, CtrlMovie récupère entre 10 et 20% sur chaque téléchargement.

La start-up vaudoise Ozwe, qui a recentré toute son activité sur le jeu il y a un an, dégage, elle, davantage de sérénité financière. C’est le géant Oculus Rift, propriété de Facebook, qui a entièrement produit son jeu Anshar Wars 2, lancé en six langues début décembre 2015. Si le pionnier des casques de réalité virtuelle a réglé toute la note moyennant un pourcentage sur chaque vente, c’est parce qu’Anshar Wars innove. «Ce qui rend le jeu particulier c’est l’optimisation technologique sur mobile de ses deux atouts: le multijoueurs et la voix sur IP», confie la directrice artistique Camille Muller.

Conçu avec la collaboration graphique de Sunnyside Games et Kenzan, deux studios de Lausanne, Anshar Wars propose une expérience unique sur Samsung Gear VR, «pour lequel nous avons fourni l’un des premiers jeux avec notre démo sortie en 2014», précise Camille Muller.

Parce que la réalité virtuelle procure un sentiment d’isolement, le caractère très social d’Anshar Wars explique qu’Oculus et Samsung l’ont intégré dans la panoplie de jeux envoyée gratuitement avec le Gear VR à chaque acheteur d’un Samsung S7. C’est le seul studio suisse à avoir cet honneur qui laisse augurer de retombées commerciales immenses.