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Le statut des «cheminots» français passé au crible

Les avantages dont disposent la plupart des 150 000 employés de la SNCF sont réels. La bataille sociale provoquée par la grève entamée mardi facilite toutefois des exagérations

Ce mardi 3 avril, les premières répercussions de 
              la grève de la SNCF
               se sont fait sentir. Gare de Lyon, Paris. — © Vincent Isore/IP3/Getty Images
Ce mardi 3 avril, les premières répercussions de  la grève de la SNCF  se sont fait sentir. Gare de Lyon, Paris. — © Vincent Isore/IP3/Getty Images

Premier constat: tous les cheminots français protégés par leur «statut» sont loin d’avoir arrêté le travail mardi, pour la première journée de grève à la SNCF, programmée jusqu’au 28 juin par quatre syndicats (CGT, SUD, CFDT, UNSA); 92% des 150 000 employés de la société nationale des chemins de fer français bénéficient en effet, depuis leur embauche, des avantages de ce statut, mais 34% seulement des employés de l’entreprise ont fait grève mardi, selon la direction.

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Les 8% de salariés de la SNCF «hors statut» sont les contractuels, embauchés pour une durée déterminée, par exemple à l’accueil dans les gares. Le premier syndicat de l’entreprise, la CGT, a recueilli 34% des suffrages aux dernières élections professionnelles. Il est majoritaire avec Sud Rail, partisan d’une grève illimitée (17%).

Le fruit d'une histoire

Deuxième constat: ce statut, que le gouvernement entend abroger avec sa réforme, est le fruit d’une histoire. Octroyé lors de la création de la SNCF en 1938, il est la conséquence de la fusion-nationalisation de six compagnies ferroviaires privées décidée sous le Front populaire. Une caisse de retraite commune fut alors créée, laquelle demeure aujourd’hui séparée du régime de retraite général des salariés français. Il s’agit donc bien, comme l’écrit le quotidien conservateur Le Figaro, d’un «monument historique».

Troisième constat: les avantages dont bénéficient les cheminots sont surtout d’ordre social. Leurs rémunérations, par exemple, restent modérées. Plus de la moitié des cheminots perçoivent ainsi, selon la SNCF, un salaire brut inférieur à 3000 euros mensuels, soit l’équivalent du salaire moyen brut français de 2900 euros mensuels. La vraie différence se situe au niveau de la protection contre les licenciements (assimilés aux fonctionnaires, les employés de la SNCF ne peuvent en pratique pas être licenciés par leur employeur, sauf pour faute grave) et au niveau des congés.

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«Roulants» et «sédentaires»

La convention collective renégociée en 2016 accorde aux employés sous statut les 26 jours de congé payé légaux, plus dix au titre de leur entreprise. Les cheminots «non roulants» ont donc droit à 36 jours de congé, plus les récupérations liées aux 35 heures hebdomadaires de travail. Les «roulants» (conducteurs, contrôleurs) disposent de 45 jours annuels de congé. L’avantage le plus marquant est enfin l’age de départ à la retraite. Les «roulants» peuvent partir à 52 ans et les «sédentaires» à 57 ans, mais le montant de leur pension dépend du nombre d’années cotisées (41 années nécessaires pour retraite pleine). S’y ajoutent la quasi-gratuité des trains pour le conjoint et les enfants de moins de 21 ans, chiffrée à 100 millions d’euros annuels par la Cour des comptes.

Faut-il en déduire, comme le font les adversaires des syndicats, que ce statut des cheminots explique les difficultés de l’entreprise publique SNCF, dont le chiffre d’affaires a augmenté de 4,5% en 2017 pour atteindre 33,5 milliards d’euros et 679 millions de bénéfices, malgré une dette de 46,6 milliards d’euros? La réponse est non. L’essentiel de l’endettement vient des lourds investissements consentis pour les lignes TGV, dont les plus récentes (par exemple Tours-Bordeaux) sont des partenariats public-privé qui entraîneront de lourds remboursements pour l’Etat. En revanche, la question de l’égalité de traitement se pose avec les employés du secteur privé.

Sévère passe d'armes

A titre de comparaison, les Chemins de fer fédéraux (CFF) emploient près de 27 000 personnes. Ils dépendent de la caisse de pension des CFF dont les prestations, selon le syndicat des transports SEV, vont «au-delà du minimum LPP» mais avec un âge légal de départ à la retraite de 65 ans. Toujours selon le SEV, «les employés CFF ne sont plus des fonctionnaires. Ils sont soumis depuis 1999 à la loi sur le personnel fédéral et à une CCT négociée entre partenaires sociaux.»

La renégociation de celle-ci, en début d’année, a donné lieu à une sévère passe d’armes entre le syndicat et la direction, accusée de vouloir la «démanteler». Le taux de syndicalisation aux CFF est beaucoup plus élevé qu’à la SNCF, où 20% des cheminots sont syndiqués. En Suisse, 50% des employés des CFF sont adhérents au SEV, sachant que trois autres syndicats existent, dont celui des mécaniciens de locomotive (VSLF).