Avant de quitter l’Organisation mondiale du commerce, son directeur général, Roberto Azevêdo, va-t-il s’assurer de «placer» son candidat préféré à la tête du Centre du commerce international (CCI)? Le CCI, agence basée à Genève et créée conjointement par l’OMC et la Cnuced en 1964, est sans directeur nommé depuis le départ d’Arancha Gonzalez Laya appelée en janvier à Madrid pour diriger le Ministère des affaires étrangères espagnol. Le processus de nomination, qui a vu plus de 11 candidatures, est en cours et suscite des remous dans le monde diplomatique.

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L’OMC et la Cnuced viennent d’envoyer la liste des trois derniers candidats retenus pour le poste au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui devrait trancher d’ici à la fin de juillet. Parmi les prétendants, Tim Yeend, actuel chef de cabinet de Roberto Azevêdo et ex-ambassadeur d’Australie à l’OMC; la Costaricaine Anabel Gonzalez, économiste basée à Washington ayant travaillé à la Banque mondiale; et l’ex-ministre du Liberia, Axel Addy.

Conflit d’intérêts?

Un bon connaisseur du dossier ne cache toutefois pas son étonnement: «C’est Roberto Azevêdo qui gère la procédure. Il essaie de faire nommer son chef de cabinet à la tête du CCI. On est à la limite du conflit d’intérêts. Je crains que le directeur de l’OMC ne crée une vraie filière lui permettant de placer quelqu’un à la tête du CCI. Le processus manque clairement de transparence.»

Il n’est pas le seul à s’étonner de l’élimination aussi rapide de candidats compétents comme Joakim Reiter, ex-numéro 2 de la Cnuced, voire de l’actuelle directrice ad interim du CCI, l’économiste zambienne Dorothy Tembo. Les candidats européens de Belgique, Allemagne et France ont tous été éliminés au premier tour bien que les pays de l’Union européenne et la Commission européenne assurent la majorité du financement des projets menés par l’agence.

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Pour un diplomate occidental, la manière dont les trois candidats restants ont été choisis prouve que le candidat de Roberto Azevêdo a une voie royale. Il fait référence à la répartition géographique des postes de hauts responsables dans le domaine du commerce au sein de la Genève internationale. Actuellement, l’Afrique s’intéresse à la direction générale de l’OMC, un fait qui disqualifierait de fait la candidature du Libérien. Le poste de secrétaire général de la Cnuced pourrait revenir l’an prochain à l’Amérique du Sud. Tim Yeend est dès lors, selon eux, idéalement placé. Mais si on lui reconnaît de vraies compétences en matière de commerce, on lui reproche de ne pas maîtriser le français. Or le CCI est en constant contact avec des ministres francophones des pays les moins avancés (PMA).

Une organisation technique

Mais quel est le rôle du CCI? Contrairement à l’OMC, qui établit des règles du commerce, et la Cnuced, qui élabore des politiques, le CCI est une organisation technique. Il fait partie des programmes de développement des Etats qui le soutiennent, facilite les exportations des pays en développement. Il répertorie toutes les conditions d’accès aux marchés. Sa compétence opérationnelle est très utile. Elle permet des économies d’échelle en matière d’aide au développement.

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Doté d’un budget de plus de 100 millions de francs employant environ 450 personnes, le CCI fut en pleine crise sous la direction de Patricia Francis de 2006 à 2013. «Il a aujourd’hui une belle visibilité et crédibilité. Arancha Gonzalez Laya, avec ses connexions, en a fait un excellent outil de travail», poursuit un diplomate européen. L’actuelle cheffe de la diplomatie espagnole n’avait pourtant pas le profil idéal quand elle fut nommée. Mais elle avait bénéficié elle aussi du… coup de pouce du directeur général de l’OMC de l’époque, Pascal Lamy, dont elle était la cheffe de cabinet.