Swissgrid, gestionnaire du réseau électrique à très haute tension et surveillant de la sécurité d’approvisionnement du pays, a lancé un cri d’alarme mercredi. La Suisse, plus particulièrement le nord du pays et une partie du Plateau, court, cet hiver, le risque de coupures ponctuelles d’électricité. Pour l’éviter, Swissgrid a mis en place un système permanent de surveillance et planifie des interventions ciblées sur des centrales électriques pour optimiser la transformation de courant de 380 kV en 220 kV.

Cette situation, provoquée par l’arrêt non programmé simultané des deux réacteurs nucléaires de Beznau et d’un faible niveau de remplissage des barrages, inquiète plusieurs parlementaires. «Je suis préoccupé par le manque de sécurité d’approvisionnement du pays à cause du manque de transformateurs de courant. Cette fragilité montre aussi l’impossibilité de sortir rapidement du nucléaire et la nécessité de soutenir financièrement la production hydroélectrique», souligne Jacques Bourgeois (PLR/FR), membre de la Commission de l’environnement et de l’énergie du Conseil national. Il posera lundi une question à la conseillère fédérale Doris Leuthard, sur les mesures de correction envisagées.

Swissgrid constate que la pénurie d’électricité indigène ne peut pas être facilement compensée par des importations, car le courant en provenance de l’étranger l’est à 90% sur un réseau à très haute tension de 380 kV, alors que celui qui manque autour des réacteurs de Beznau dépend d’un réseau de 220 kV.

Présentée au printemps, la stratégie 2025 de Swissgrid prévoit la construction de quatre transformateurs supplémentaires, dont un à Beznau. Il sera construit plus tôt que prévu mais cela nécessitera de longs mois durant lesquels la situation restera tendue. Swissgrid a prévu d’investir 2,5 milliards de francs ces dix prochaines années dans le renforcement du réseau, en particulier la réalisation de 280 km de lignes électriques pour augmenter la tension de 220 à 380 kV.

Le niveau d’eau des barrages est également inférieur à la moyenne. Ils sont remplis à 59,4% en ce moment alors qu’ils devraient l’être à quelque 73%. La sécheresse de l’été et de l’automne est en partie responsable de cette situation, mais également la volonté de certaines sociétés électriques de vendre leur courant au meilleur prix en turbinant plus que d’habitude avant l’hiver. «On ne peut pas leur reprocher d’avoir voulu compenser les pertes subies à cause de la déstabilisation du marché hydroélectrique», note Jacques Bourgeois.

Roger Nordmann (PS/VD) constate que Swissgrid peut, s’il le faut, agir à court terme, en obligeant les entreprises productrices à restreindre ou augmenter le turbinage pour assurer l’approvisionnement exclusif du pays. «Il ne faut surtout pas restreindre cette prérogative», constate le conseiller national, en rappelant que la dépendance hivernale habituelle de la Suisse serait réduite par le remplacement des chauffages électriques qui représentent 15% de la consommation saisonnière.