Renvoi des élections en République démocratique de Congo, tensions entre l’Angola et son voisin congolais, enlèvement de jeunes filles au Nigeria par des islamistes, répression contre l’opposition en Tanzanie, le continent africain n’a pas fini avec ses convulsions politiques. Il n’empêche, telle une lame de fond, une transformation économique s’y opère. Les hommes d’affaires et investisseurs internationaux se mobilisent pour saisir les opportunités qu’offre ce continent au sous-sol riche et dont la population dispose d’un pouvoir d’achat en croissance.

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La Confédération accompagne le mouvement. Ainsi, le conseiller fédéral en charge de l’économie Johann Schneider-Ammann conduit, dès ce mercredi, une mission économique au Nigeria (21 au 23 mars) et en Côte d'Ivoire (23 au 25 mars). Objectif: soutenir le secteur privé suisse sur ces deux marchés. La collaboration scientifique et la formation professionnelle seront aussi abordées avec les autorités ivoiriennes. Plusieurs parlementaires et conseillers d’Etat seront aussi de la partie. La dernière mission économique en Afrique au plus haut niveau date de 2013. Johann Schneider-Amman s’était alors rendu en Afrique du Sud.

Pétrole et cacao

Tant le Nigeria que la Côte d'Ivoire sont parmi les premiers partenaires africains de la Suisse, avec une balance commerciale en leur faveur. Le premier est une importante source d’approvisionnement en produits pétroliers. Le second, premier producteur mondial de cacao, alimente les chocolatiers suisses.

Au total, la Suisse a importé pour 526 millions du Nigeria, contre des exportations de 185 millions. Pour la Côte d'Ivoire, les importations étaient de 465 millions de francs, contre des exportations de 66,8 millions. Le nombre d’emplois induits par les investissements suisses au Nigeria s’élevait en 2016 à 8685. En Côte d'Ivoire, 3048.

«Les grandes entreprises s’engagent de plus en plus dans ce continent et investissent même hors des pays traditionnels», fait remarquer Michael Rheinniger, membre de la direction de Swiss-Africa Business Circle. Cette plateforme d’échanges comprend près de quatre-vingt entreprises suisses qui y ont déjà pignon sur rue. Parmi elles, ABB, Cotecna (inspections), Bellevue (fonds d’investissements) et Ringier, éditeur et copropriétaire du Temps. «Les conditions ne sont pas toujours faciles mais les entreprises ne peuvent plus se permettre d’être absentes», poursuit Michael Rheinniger.

Ancrage suisse

Du reste, une partie de la délégation suisse poursuivra son voyage et participera au Africa CEO Forum, un haut lieu des rencontres du secteur privé africain, à Abidjan. Cette manifestation qui aura lieu les 26 et 27 mars, a un fort ancrage suisse. «Sa tenue sur sol genevois, une année sur deux, constitue une courroie de transmission de premier plan entre les marchés africains et les entrepreneurs suisses», explique Vincent Subilia, vice-président de la Chambre du commerce, de l’industrie et des services de Genève.

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Autre preuve, s’il en faut, de dynamisme et d’ambition du continent africain: la signature, ce mercredi, du traité instituant la Zone de libre-échange continentale (ZLEC). La décision d’instituer ce marché commun africain date de 1991 et dans une première étape, huit communautés économiques régionales ont été mises en place. Depuis 2015, un accord de libre-échange réunit déjà trois d’entre elles.

Continent d’avenir

«Pour peu que le traité se concrétise et sans un grand nombre de dérogations, le ZLEC aura un impact majeur, explique Gilles Carbonnier, professeur d’économie à l’Institut des hautes études internationales et de développement. Nous parlons d’un marché de 1,2 milliard d’habitants qui en comptera 2,4 milliards en 2050.» Et alors que l’Asie, l’Europe et l’Amérique seront des continents vieillissants, l’Afrique sera le continent d’avenir.

Gilles Carbonnier mentionne toutefois deux obstacles. En premier, le continent doit se doter d’infrastructures (transports, énergie) qui font cruellement défaut. Ensuite, de nombreux Etats auront de la difficulté de se passer des taxes douanières du fait que celles-ci représentent encore une partie importante de leurs recettes fiscales.