Une liaison amoureuse constitue une violation du règlement de McDonald’s. C’est pour cette raison que le conseil d’administration du géant américain du fast-food a limogé lundi son directeur général, Steve Easterbrook, qui entretenait une relation avec un collaborateur ou une collaboratrice. Vingt-quatre heures plus tard, il était annoncé que le directeur des ressources humaines partait aussi, sans autre explication ni mention d’un éventuel lien avec la première affaire.

En Suisse, il n’est pas possible d’interdire les liaisons au sein d’une société. Ce qui n’empêche cependant pas les entreprises de licencier lorsqu’elles estiment que la relation pose problème. Me Christine Sattiva Spring, avocate spécialisée en droit du travail, nous en dit plus sur la marge de manœuvre des employeurs.

Le Temps: Un cas comme celui du licenciement de Steve Easterbrook serait-il envisageable en Suisse?

Me Christine Sattiva Spring: La situation est complètement différente. En Suisse, il n’est pas possible d’interdire une liaison entre des collaborateurs. Il en relève de la liberté personnelle des individus, tant et aussi longtemps que leur relation est consentie. Le Code des obligations, à son article 328, stipule que l’employeur doit s’abstenir de tout acte portant atteinte aux biens de la personnalité du travailleur, dont la vie, l’intégrité physique et psychique, la liberté, l’honneur et la sphère privée. Interdire une liaison serait trop s’immiscer dans la vie du collaborateur.

Licencier un collaborateur parce qu’il a une relation amoureuse à l’interne serait donc un licenciement abusif?

Non, pas nécessairement. Un employeur pourra le faire, parce qu’en Suisse prévaut la liberté contractuelle qui s’applique à la résiliation du contrat; il n’est pas nécessaire d’avoir un motif pour licencier quelqu’un. La loi prévoit que l’entreprise motive sa décision uniquement si elle est requise. L’employeur devra alors justifier que la relation a des conséquences néfastes pour la marche de l’entreprise. Mais cela ne sera sans doute pas très compliqué, sachant qu’une telle relation engendre souvent des biais.

Lesquels?

Par exemple, un employé qui change de comportement et devient agressif parce qu’il fréquente quelqu’un placé plus haut dans la hiérarchie et se sent protégé, ou parce qu’il se fait exclure par ses collègues. Tout dépend de l’organisation de l’entreprise; si elle est suffisamment grande, cela peut n’avoir aucune incidence. La situation est plus compliquée si la société est petite.

Quelle marge de manœuvre ont les entreprises? Peuvent-elles instaurer des codes de conduite qui posent des limites aux collaborateurs, en leur interdisant de travailler dans le même service, par exemple?

Il me paraît excessif (et contre-productif suivant les cas) d’instaurer un code de conduite qui interdirait les liaisons entre collègues ou avec un supérieur. Du fait de son devoir de fidélité, le collaborateur peut être astreint à une certaine discrétion ou à informer l’employeur de l’existence d’une relation. Ceci précisé, ce qui se passe en dehors de l’entreprise relève de la sphère personnelle. Pour cette raison et compte tenu de l’article 328 du CO, on ne peut interdire à des personnes ayant une liaison voulue et consentie de travailler dans le même service, tant que le travail n’en pâtit pas.