La Suisse prépare sa récession
Prévisions
Attendus et inévitables. Les dégâts de l’épidémie sur l’économie suisse vont se chiffrer en milliards. Le PIB reculera de 1,5% cette année, selon les prévisions du Seco

Deux jours. Le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) s’était donné deux jours de plus pour tenter d’évaluer au mieux les conséquences de l’épidémie sur l’économie suisse, ces prochains mois. Attendus mardi, ses pronostics ont donc été publiés ce jeudi. A la veille de nouvelles annonces du Conseil fédéral ce vendredi, le tableau est aussi sombre que ce qui pouvait être redouté. Le Seco a radicalement changé d’avis.
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En décembre, ce dernier anticipait une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 1,3% pour cette année. Mais entre-temps, le virus et les innombrables paralysies qu’il entraîne sont passés par là. Désormais, le PIB est attendu en recul de -1,5%. Ou de -1,3%, «en tenant compte des événements sportifs internationaux encore prévus». C’est-à-dire les JO de Tokyo, dont pourrait bénéficier le CIO à Lausanne, sachant que l’Euro de football – de l’UEFA, à Nyon – a été reporté à 2021.
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Un choc ici et ailleurs
Dans leur communication de jeudi, les économistes de la Confédération soulignent le caractère exceptionnel de la situation. Les deux piliers de la résilience helvétique – les exportations et la consommation intérieure – sont durement touchés, alors que, généralement, la hausse de l’un compense la baisse de l’autre. Ou inversement.
D’abord, sur les exportations: «L’embellie attendue de la conjoncture internationale a été brusquement interrompue. Les secteurs suisses particulièrement exposés enregistrent un recul massif des chiffres d’affaires, note le Seco, qui cite en exemple le tourisme et l’industrie «sensibles à la conjoncture». Une précision qui rappelle que la chimie et la pharma pèsent environ 40% des ventes suisses à l’étranger. Et que ces dernières pourraient, dans une certaine mesure, moins souffrir que les autres. Ce qui n’empêchera pas les exportations «de subir un fort recul pour la première fois depuis 2009». Il devrait s’élever à -5,8%, selon le Seco.
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L’autre pilier, la consommation, n’est pas épargné. Alors que des mesures de confinement général pourraient être décidées dans les prochains jours, la fermeture des commerces et de tous les lieux de loisirs pourrait faire baisser les dépenses privées de quelque 6 milliards de francs, par rapport à 2019. Soit un repli de -0,9%.
Un tiers des dépenses totales en biens et services est aujourd’hui concerné par une chute de la demande ou par les interdictions et les fermetures, détaille Credit Suisse dans une étude publiée mercredi. Par exemple, les restaurants représentent 9% des dépenses privées. Théâtre, concerts et événements sportifs pèsent pour 4% de cet ensemble.
Un rattrapage, mais quand?
La Banque nationale suisse (BNS) a aussi publié jeudi des perspectives «considérablement assombries». Le virus, associé aux «mesures nécessaires à son endiguement, aura des répercussions importantes». Elle prévient que, «dans le contexte actuel, il est extrêmement difficile d’évaluer» les conséquences de cette situation. Chose rare, elle n’a pas articulé de chiffre ni pour 2020 ni pour 2021.
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L’institution s’attend à un recul «prononcé de l’activité au premier semestre». La reprise aura lieu quand les mesures de confinement seront levées. Mais «même dans cette hypothèse, il est probable que la croissance du PIB suisse sera négative sur l’année 2020», avant de rebondir plus fortement en 2021.
+3,3% l’an prochain?
C’est également l’avis du Seco qui, lui, s’aventure à poser un chiffre sur ce qui, à l’heure actuelle, reste du domaine de l’hypothèse: le PIB progressera de 3,3% l’an prochain, «partant d’un niveau plus bas en 2020». La consommation, elle, pourrait retrouver son niveau de 2019. Mais cela dépendra de la profondeur de la chute, de sa durée et du rythme du rattrapage.
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«Notre pronostic est hautement incertain», prévient lui aussi Claude Maurer, économiste de Credit Suisse. Globalement, son équipe se montre moins pessimiste, avec un recul attendu du PIB de -0,5% cette année. La difficulté de l’estimation est liée au fait que «les chaînes de transmission ne sont pas seulement complexes en ce qui concerne le virus, elles le sont aussi pour l’économie mondiale».
A l’heure actuelle, tout le monde s’accorde à dire que le choc sera brutal pour l’économie suisse. Ce que personne ne sait, c’est à quel moment débutera sa convalescence et combien de temps nécessitera sa remise en forme.