La Suisse n’avance plus. Elle stagne, si l’on s’en tient aux derniers chiffres de croissance publiés mardi par le Secrétariat d’Etat à l’économie. Selon le Seco, le PIB du 3e trimestre est resté stable (0%), par rapport aux trois mois précédents. Après –0,2% entre janvier et mars, puis un léger rebond de 0,2%, entre avril et fin septembre, l’économie helvétique confirme donc ses difficultés à absorber les effets de l’envolée du franc, en janvier dernier.

Autre conséquence notable: l’exception suisse n’est plus. Après des années de surperformance, la Suisse progresse désormais moins vite que ses voisins européens. Au troisième trimestre, le PIB de la zone euro a avancé de 0,3%. Au trimestre précédent, de 0,4% (contre 0,2% pour la Suisse) et sur un an, le rythme européen atteint 1,6%. Soit deux fois plus que les 0,8% helvétiques. Une telle différence n’avait jamais été observée depuis la création de la zone euro, en 1999.

Gare à l’autosatisfaction

Cette nouvelle configuration, plusieurs personnalités du monde économique s’en sont inquiétés, ces derniers mois. Le professeur Aymo Brunetti, par exemple, a plusieurs fois mis en garde contre «un risque d’autosatisfaction, comme celui qui prévalait à l’approche des années 1990». D’autres économistes, eux, relativisent cette sous-performance helvétique. Aussi rare soit-elle: «C’est un processus d’ajustement lié au choc des taux de changes. Il n’est pas inquiétant», tempère Karsten Junius, le chef économiste de J. Safra Sarasin.

«La Suisse a connu une reprise quasi ininterrompue depuis la crise de 2008, rappelle quant à lui Bruno Parnisari, le chef du secteur conjoncture au Seco. Les pays européens, eux, ont traversé une 2e récession avec la crise de la dette publique.» Autrement dit, les voisins de la Suisse remontent une pente que la Suisse n’a pas descendue.

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Malgré les chiffres publiés mardi par ses équipes, l’expert du Seco veut souligner la résistance «extraordinaire» de l’économie suisse jusqu’ici. «Malgré un franc qui s’est apprécié régulièrement depuis cinq ans, malgré la difficile conjoncture en Europe et malgré le récent ralentissement de la demande des pays émergents.» Au vu de ces nombreux vents contraires, l’évolution de l’excédent commercial – solde entre les exportations et les importations de biens et de services – est «incroyable», insiste Bruno Parnisari.

Merci l’Europe

Plutôt que de se lamenter, il souligne les bienfaits de la reprise européenne: «La Suisse n’aurait certainement pas pu éviter une récession si la croissance n’avait pas été au rendez-vous en Allemagne, en France, en Espagne ou en Italie durant les derniers trimestres.»

Au vu des derniers indicateurs, la banque J. Safra Sarasin ne s’attend pas à un rebond à court terme. «2015 sera une année pour rien» en termes de croissance, selon Karsten Junius. Il est par contre plus optimiste pour l’an prochain: «La Suisse est en bonne voie pour absorber le choc monétaire. La croissance sera de retour en 2016.» A moyen terme, Bruno Parnisari s’attend lui aussi à ce que «la conjoncture commune» reprenne le dessus, que les différentiels de croissance observés sur le continent européen depuis 2008 se résorbent peu à peu.

La Suisse devrait donc finir par progresser de nouveau à la même vitesse que ses proches partenaires. Elle pourrait même faire mieux, de l’avis de Karsten Junius: «La croissance devrait redevenir plus forte que dans la zone euro, notamment grâce à des effets démographiques et migratoires plus favorables.»