La Suisse tonitrue contre l’Italie
revue de presse
Le ton monte entre Berne et Rome dans le différend fiscal qui agite le Tessin. Dans la presse et sur les blogs italiens, on parle de «guerre» et de «rude bataille» à venir
Le ton monte entre Berne et Rome dans le différend fiscal qui agite le Tessin. Dans la presse et sur les blogs italiens, on parle de «guerre» et de «rude bataille» à venir.
Après l’Allemagne, l’Italie. Après Steinbrück, Tremonti. Le ton est monté d’un cran ce week-end entre Berne et Rome, après que le président de la Confédération, Hans-Rudolf Merz, a annoncé dans le SonntagsBlick qu’il suspendait les négociations en cours sur la convention de double imposition avec l’Italie, suite à la spectaculaire opération anti-fraude menée par la brigade financière transalpine à l’encontre de plusieurs dizaines de banques helvétiques et à des rumeurs d’espionnage bancaire au Tessin.
«Le président de la Confédération a cependant assuré, tempère La Stampa, que la Suisse ne voulait pas d’une escalade des tensions avec l’Italie», tout en soulignant que «l’amnistie fiscale lancée par le gouvernement pourrait autoriser le retour en Italie d’environ 100 milliards d’euros, dont les deux tiers de la Suisse».
«La Suisse rompt avec l’Italie», titre tout de même Il Sole-24 Ore: «Il y a un durcissement des positions» et «une rude bataille entre Berne et Rome» s’annonce. Le journal cite d’ailleurs longuement un article du Financial Times sur l’exil doré des grandes fortunes italiennes au Tessin. Et pour MiaEconomia, «les négociations sont «congelées» Ce site de vulgarisation économique se plaît d’ailleurs à citer Luigi Casero, le secrétaire d’Etat italien aux affaires économiques et financières qui, «interrogé par la Radio suisse italienne, s’est dit surpris par la réaction helvétique, l’estimant «tout à fait incompréhensible».»
«Les relations entre l’Italie et la Suisse en matière fiscale sont de plus en plus tendues», renchérit La Repubblica, qui parle d’une vraie «détérioration». Alors que pour DellEconomia, la voix de la Suisse «se fait tonitruante» face à l’opération du fisc italien – qualifiée de «blitz». Mais elle n’est «pas unanime»: le site évoque aussi l’intervention de Doris Leuthard en faveur de la poursuite du dialogue, comme «principale voie à suivre». Il s’inquiète enfin de l’appel à la délation des autorités de Chiasso face à «ces chiens d’Italiens», pour en conclure que «si quelqu’un, à ce stade, croit qu’une détente est proche et souhaitable, il ferait bien de chercher ailleurs».
«La réaction de la Suisse est certainement excessive, regrette sans surprise Il Giornale, le quotidien de la famille Berlusconi. «Elle s’est mise dans son tort en ne tenant pas ses promesses» et ferait mieux de «raisonner la tête froide». Et non d’exercer ce que Brescia Oggi appelle «des représailles» qui «aggravent le conflit par la voie diplomatique».
Le Corriere del Ticino, lui, met l’accent sur le fait que Hans-Rudolf Merz cherche à provoquer le ministre des Finances italien, Giulio Tremonti, «qui doit faire face à une montagne de dettes» et «punit la Suisse pour la mauvaise gestion du budget italien». «Une chose est sûre: cela ne restera pas sans conséquence», avertit Mondofinanzablog.
Sur les blogs, justement, les mots sont, comme souvent, hauts en couleurs, que PolisBlog se plaît à recenser dans une revue de presse sur le sujet. «Nous sommes en guerre avec la Suisse!!!!!!» écrit par exemple Riccioselvatico. Alors que Traccetrasparenti: Mario’s blog utilise la même formule, mais sous la forme interrogative: «Sommes-nous en guerre avec la Suisse?» se demande-t-il, en évoquant, dans un langage fleuri et imagé, un «climat de Guerre froide comme dans les meilleurs films de Hollywood»: «Faut-il ériger un mur à la frontière avec la Suisse?» Ce pays qu’apostrophe directement Mercato Libero après ce match qui se termine sur un «score de 1 à 0 pour la Suisse»: «Au lieu de vous plaindre, donnez-nous la liste de tous les représentants du gouvernement italien et de tous les grands employeurs du pays qui possèdent un compte en Suisse!»
Même Beppe Grillo, le comique, comédien et blogger italien, tour à tour acteur de théâtre, de cinéma ou de télévision, provocateur et agitateur d’idées, y va de sa plume la plus corrosive, sur son blog d’opinions politiques et sociales – qui est le plus visité en Italie et qui, en l’occurrence est repris dans son intégralité par le site de référence Politicamentecorretto: «Tremorti [sic] a déclaré la guerre à la Suisse avec un bouclier fiscal, mais c’est une guerre entre eurotrafiquants.» «Si tout l’argent des fraudeurs du fisc, écrit-il, estimé à deux tiers du capital bancaire luganais, revenait en Italie, le canton du Tessin risquerait la faillite.» Il précise toutefois que «ces canailles anonymes et bien placées ont caché leur argent à l’ombre du chocolat» et en conclut qu’on a affaire à une histoire de «voleurs contre voleurs. Qui sera le vainqueur?»