La Suisse va manquer de productivité
Conjoncture
L’OCDE a analysé les perspectives économiques du pays. L’organisation met en garde contre un risque de baisse de performance. Elle recommande, entre autres, d’améliorer l’efficience des services publics

Bonne progression du produit intérieur brut (PIB) par habitant, fort rebond après la récession de 2009: la Suisse est un excellent élève, selon le rapport de l’OCDE présenté mardi à Berne. «Mais des nuages s’accumulent et la Suisse devrait suivre quelques-unes de nos recommandations pour pouvoir continuer à bénéficier d’une excellente situation économique», avertit Catherine Mann, cheffe économiste de l’OCDE. «Nous soutenons les recommandations émises», acquiesce Marie-Gabrielle Ineichen-Fleisch, secrétaire d’Etat à l’Economie.
Le principal problème que devra affronter la Suisse, dans un contexte de population vieillissante, est lié au fort risque de faible productivité. Deux décisions majeures, celle du peuple suisse le 9 février 2014 pour limiter l’immigration, et celle de la BNS le 15 janvier 2015 de lever le taux plancher euro-franc suisse et d’introduire des taux d’intérêt négatifs pèseront lourd dans la balance.
«Choc économique» du vote du 9 février 2014
«Le modèle suisse de prospérité économique a toujours été basé sur l’intégration de travailleurs immigrés, constate Catherine Mann. Le taux d’immigration nette est un facteur déterminant de la croissance économique suisse basée sur la hausse de la production par l’apport de main-d’œuvre, mais aussi sur l’augmentation de la consommation due à la présence des nouveaux résidents.» Or ce facteur de croissance va manquer selon la manière dont sera appliqué le vote populaire du 9 février 2014. «Les conséquences de cette décision peuvent être assimilées à un choc économique», souligne Catherine Mann.
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La cheffe économiste relève un signe précurseur des problèmes de compétitivité du pays. Depuis le milieu de l’année 2015, les courbes des salaires horaire réels et de la productivité du travail sont divergentes. «Cela obère les bénéfices des entreprises alors que la productivité stagne», constatent les auteurs du rapport, qui avancent l’une des explications possibles de cette tendance. La croissance des emplois peu productifs directement, dans les secteurs publics et semi-publics, a progressé de 25% ces dix dernières années, contre 15% pour l’emploi en général.
L’amélioration de l’efficience des services publics fait donc partie des recommandations émises par le rapport, tout comme l’augmentation du temps de travail des femmes pour pallier la raréfaction attendue de la main-d’œuvre. Le taux d’activité global des femmes suisses est l’un des plus élevé des pays de l’OCDE, mais le nombre d’heures travaillées compte parmi les plus faibles. «L’insuffisance et le coût onéreux des modes de garde d’enfants, ainsi que les taux marginaux d’impôt sur le revenu trop lourds n’incitent pas les femmes à travailler plus», constatent les auteurs du rapport.
Mesures de libéralisation préconisées
Des mesures de libéralisation sont également proposées par l’OCDE afin d’augmenter la concurrence et du même coup la productivité de certains secteurs. Swisscom, dont la Confédération possède la majorité, devrait être privatisé. «Le secteur suisse des communications mobiles reste l’un des plus concentrés des 24 économies de l’OCDE», relèvent les experts. Les pouvoirs publics devraient aussi se désengager du secteur de l’énergie. Et l’agriculture, qui bénéficie d’un taux de protection douanière de 32%, devrait être incitée à augmenter sa productivité. Les experts suggèrent qu’une partie des paiements directs soient distribués sur la base de critères d’amélioration de la productivité et d’augmentation du chiffre d’affaires provenant du libre marché.
Parmi les autres mesures de stimulation de la productivité et de la croissance, l’OCDE suggère également d’étendre le réseau d’accords de libre-échange aux Etats-Unis et à l’Inde. Les discussions sur ce dernier sont bloquées à cause d’un désaccord sur la protection des brevets, point sensible également évoqué par l’Inde en ce moment à Paris dans le cadre des négociations COP21 sur le climat.
Risque de surchauffe dans l’immobilier
L’OCDE a analysé dans le détail la situation du marché du logement et de l’immobilier en Suisse. Les experts partagent la préoccupation de la BNS face au risque de surchauffe. Ils constatent que les intérêts négatifs introduits par la banque centrale compliquent le problème en faisant de l’immobilier une valeur refuge pour les caisses de pension contraintes à un rendement minimum. Malgré les premières mesures prises, la dette hypothécaire se situe toujours à un niveau très élevé en Suisse, soit 120% du PIB, contre moins de 40% en Allemagne ou en Autriche.
Les recommandations de l’OCDE vont dans le sens d’un certain assouplissement du marché locatif et d’une densification urbaine.