Un gouvernement fragile
«L’Italie souffre plus que les autres à cause d’attaques spéculatives mais il n’y a en réalité aucun risque lié à sa dette, commente Francesco Saraceno, professeur de macroéconomie internationale à l’Université Luiss de Rome. Rien ne justifie le spread, la dette italienne n’est pas plus insoutenable que celles française, espagnole ou même allemande.» En Italie, le très commenté spread est l’écart entre les rendements des titres italiens (Btp) et Bund allemands à dix ans. Aujourd’hui à 193,1 points de base, le différentiel avait atteint 240 après l’annonce de la BCE. Par le passé, il avait explosé à 550 points de base lors de la crise des dettes souveraines ou encore à 325 points en 2018, lorsque les partis populistes la Ligue et le Mouvement 5 étoiles s’alliaient pour prendre le pouvoir.
Mais «avoir Mario Draghi à la tête du gouvernement ne résout pas tous les problèmes, regrettait Il Foglio le 7 mai dernier. La bonne reprise économique freinée par la conjoncture internationale et la pression inflationniste signifient que l’étroit sentier se resserre ultérieurement et que l’exécutif se trouve dans la situation difficile de devoir soutenir l’économie, éprouvée par le choc énergétique et la guerre, sans pouvoir recourir à l’endettement ni à la drogue monétaire.»
Afin d’éviter une nouvelle récession, l’ancien dirigeant de la Banque d’Italie a débloqué début mai 14 milliards d’euros pour venir en aide aux ménages et aux entreprises. Cette somme s’ajoute à 15 autres milliards déjà prévus le mois précédent et financés grâce à l’augmentation de la taxe sur les profits des sociétés du secteur de l’énergie. Instaurée un mois plus tôt pour contrer la hausse du prix du carburant, cette contribution devait passer de 10 à 25%.
«Est-ce que l’effet Draghi est terminé?» se demandait le mois dernier le journal économique Il Sole 24 Ore. «Il y a un effet Draghi dans le discours mais non dans l’action, répond l’économiste Francesco Saraceno. Sa politique est axée sur le plan de relance européen or ce qu’il a présenté à Bruxelles n’est fondamentalement pas différent de ce qu’avait préparé le gouvernement précédent. Il existe certainement un prestige de Mario Draghi influent sur les dynamiques européennes mais cela n’a pas encore produit d’effets.» Le président du Conseil n’a pas encore réussi à laisser son empreinte sur la scène politique nationale.
«Depuis 2020, tous les gouvernements européens font plus ou moins la même chose, craint le professeur. Tous se sont préoccupés de soutenir les revenus et l’emploi, puis ont tout misé sur le plan Next Generation EU avant de devoir aujourd’hui gérer les effets de l’inflation.» L’Italie de Mario Draghi souffre de plus de la menace de paralysie, croissante au fur et à mesure que s’approchent les élections législatives du printemps 2023.