«Super» Miyamoto prend la tête de Nintendo
Jeux vidéo
Suite à la mort de Satoru Iwata, il assure l’intérim à la direction du groupe japonais de divertissement. Portrait du créateur des personnages Mario, Zelda ou encore Donkey Kong

«Super» Miyamoto prend la tête de Nintendo
Jeux vidéo Après la mort de Satoru Iwata, il assure l’intérim à la direction du groupe japonais de divertissement
Portrait du créateur des personnages Mario, Zelda ou encore Donkey Kong
Il cite souvent Walt Disney comme l’un de ces modèles. Celui d’un créateur de dessin animé qui a transformé une petite souris en mine d’or. Et qui a laissé son nom à la postérité.
On ignore s’il rêvait vraiment de se retrouver dans la peau du patron de l’usine à rêve, mais depuis la mort du directeur général de Nintendo, Satoru Iwata, samedi soir, Shigeru Miyamoto, 62 ans, a pris la tête de la société et de son univers tout mignon tout coloré. Il n’est pas seul. Il partage l’empire avec Genyo Takeda, l’ingénieur qui développa la Nintendo Entertainment System (NES) dans les années 1980. La première console du fabricant japonais a fait un carton. Elle a imposé cette ancienne fabrique de jeu de cartes comme l’un des piliers de l’industrie du jeu vidéo qui, en 126 ans d’histoire, n’a connu que quatre directeurs. Hiroshi Yamauchi était le plus notable, déjà parce que c’est lui qui a mis la firme sur les rails du succès, ensuite en raison de la longévité de sa présidence: 53 ans.
Shigeru Miyamoto le sait, il dirige Nintendo par intérim. Le temps que l’entreprise trouve son cinquième capitaine. Mais pour elle, cette nomination même provisoire prend une valeur hautement symbolique. Dans le milieu du jeu vidéo, Shigeru Miyamoto est une légende, le dieu vivant de l’«internationale geek». Il est surtout le créateur de Mario, Zelda, Donkey Kong, celui à qui Nintendo doit son triomphe planétaire. Et un cas unique dans cette industrie, d’un homme qui incarne à lui seul la marque qui l’emploie. Une star maison dont la vision permettra peut-être de sortir «Big N» du marasme. Les enjeux qui l’attendent sont énormes, les défis à relever multiples. Sous l’ère Iwata, Nintendo s’est retranché dans sa tour d’ivoire. Le patron n’ignorait pas le succès des jeux sur supports mobiles. Il se refusait pourtant à transposer son univers ailleurs que sur ses propres machines. Il venait quand même d’entrouvrir la porte. En mars 2015, Nintendo s’alliait avec DeNA, plateforme de jeux nomades avec qui le groupe japonais escomptait sortir quatre titres d’ici à 2017. Shigeru Miyamoto devra également envisager l’avenir de la Wii U dont les chiffres de vente stagnent et dont il a indirectement piloté la conception.
Son retour aux affaires tombe juste au moment de l’annonce, au dernier salon E3 de Los Angeles, du développement de la NX, projet de console dont personne ne sait vraiment ce qu’elle cache sous son capot. Chez Nintendo, le secret est une règle absolue. Ça tombe bien, Shigeru Miyamoto est difficile à approcher et n’accorde pratiquement jamais d’interview. La recette de son succès? Un sens inné du jeu et de la dynamique ludique et un talent inouï pour inventer des personnages immédiatement attachants et des scénarios qui vous scotchent à la manette.
Shigeru Miyamoto, c’est une carrière phénoménale qui démarre en 1977. Dessinateur, compositeur, designer, chez Nintendo il touche à tout, aux jeux mais aussi aux machines. Il est derrière les consoles N64, GameCube et Wii. En 1981, il a créé Donkey Kong, le gorille furibard qui balance des barils du haut d’un building. Le singe ouvrira les portes du marché américain à l’éditeur japonais. Comme chez le réalisateur Hayao Miyazaki, pour qui la nature et ses esprits sylvestres constituent des éléments clés de l’œuvre, le développeur exploite ses souvenirs de campagne nippone et de ses mythologies agricoles. Shigeru Miyamoto cultive un bestiaire fantastique où les dinosaures canardent des œufs, les renards pilotent des vaisseaux de l’espace et des aliens-feuilles se mettent à plusieurs pour aider un astronaute à regagner sa planète.
Les paysages de la province de Sonobe où il a grandi serviront de trame à son grand œuvre. Shigeru Miyamoto raconte volontiers que la grotte près de sa maison natale lui inspira l’histoire d’un elfe qui part, épée à la main, sauver sa princesse. The Legend of Zelda se veut aussi un hommage à Disney, Link le héros de l’histoire portant les mêmes collants que Peter Pan. Chercher l’inspiration dans sa biographie. De manière récurrente, l’enfance lui sert presque toujours de point de départ. Pour créer Mario, il revient à l’époque des fumetti qu’il dévorait en rentrant de l’école. Le plombier moustachu sera son hommage à la bande dessinée italienne. Mais aussi une solution aux contraintes graphiques de l’époque qui nécessitent de simplifier le trait, quitte à le forcer un peu. Mario, son gros nez, sa grosse moustache et son gros chapeau sont ainsi tout de suite reconnaissables sur l’écran de la télévision.
«Le but premier d’un créateur de jeux est de construire des univers originaux pour surprendre le joueur, expliquait le créateur au journal Libération . Il faut lui offrir quelque chose de nouveau. Pas forcément ce qu’il attend.» Des surprises? La dernière consistait au report de la sortie du prochain Zelda sur la console Wii U à 2016. Depuis samedi, la légende a du boulot.
Pour créer Mario, il se souvient de l’époque des bandes dessinées italiennes qu’il dévorait en rentrant de l’école