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Swissair Group parviendra-t-il à stopper l'hémorragie?

Les fonds propres de Swissair Group fondent comme neige au soleil, alors que son endettement dépasse les 10 milliards de francs. La question de savoir si la compagnie est en mesure d'éviter la faillite, et à quel prix, devient d'actualité. Désabusés, les investisseurs ont fait plonger le titre.

Si Swissair Group a les moyens d'éviter la faillite, c'est au prix d'une perte de substance dont la fin ne peut guère être délimitée pour l'instant. C'est du moins ce qui se dégage des réactions des spécialistes. L'action Swissair Group a d'ailleurs encore chuté de 7,2% à 92,55 francs vendredi. Ce qui porte la perte à 15% depuis l'annonce jeudi d'une perte nette de 234 millions de francs au 1er semestre 2001, assortie de la suppression de 1250 emplois ainsi que de la vente de Swissport et de Nuance. L'endettement net du groupe a encore augmenté d'un milliard de francs, atteignant le montant astronomique de 10,4 milliards de francs au bilan. Ce qui a aussitôt fait resurgir la question de savoir si Swissair est en mesure d'éviter la faillite et à quel prix.

En six mois, l'infime coussinet de fonds propres s'est en effet encore rétréci à 555 millions de francs pour passer de 3,1 à 2,5% du bilan. Or, selon les prescriptions du code des Obligations (art. 725), une société est en situation de faillite si la moitié du capital-actions et des réserves légales n'est plus couverte. «Les exigences de l'article 725 ne s'appliquent pas au groupe mais uniquement aux sociétés qui le composent», a expliqué jeudi Jacqualyn Fouse, la responsable des finances de Swissair Group. Point de vue que partage Carlo Lombardini, avocat spécialisé dans le droit des affaires à Genève. «Tant qu'il reste des fonds propres, si minces soient-ils, l'article 725 n'entre pas vraiment en considération.» Et la société dispose encore de suffisamment d'actifs qu'elle peut vendre avec profit pour maintenir un niveau minimal. «Reste à savoir si, à terme, les activités d'exploitation parviendront à arrêter l'hémorragie. Et à ce niveau de rentabilité, le groupe peut théoriquement tenir six mois sans apport de fonds propres», conclut l'avocat genevois. «Le coussinet est si mince au vu de l'ampleur des actifs et des dettes qu'une petite réévaluation suffit pour se retrouver sous le seuil critique», commente à son tour Henry Peter, professeur de droit des sociétés à Genève.

Pour la plupart des analystes, seule une augmentation de capital pourrait à terme permettre à Swissair de retrouver une structure financière viable. Or, Mario Corti a encore écarté cette possibilité jeudi. «Au niveau ou se traîne l'action Swissair, l'effet de dilution des résultats pour les actionnaires actuels serait trop important au regard de la rentrée de fonds propres qui en résulterait pour le groupe», explique Jérôme Schupp, de la Banque Syz à Genève. «C'est donc du soutien des banques que Swissair est maintenant tributaire», lâche à son tour Patrick Schwendimann, qui suit le titre à la Banque Cantonale de Zurich. Or, les banques se montrent de plus en plus réticentes à renouveler leurs crédits.

C'est ce qui a décidé Mario Corti à accélérer les désinvestissements. Ces derniers se sont élevés à près d'un milliard de francs au 1er semestre (voir tableau ci-contre). Patrick Schwendimann estime que la vente de Swissport et de Nuance devrait permettre de dégager une plus-value de quelque 700 millions de francs – soit autant de gagné pour les fonds propres – et quelque 1,5 milliard de liquidités.

Spéculations autour de Gate Gourmet

A l'instar d'autres analystes, il estime lui aussi que Swissair pourrait encore, dès l'an prochain, se défaire de Gate Gourmet (restauration dans les avions), la vache à lait restante même si Mario Corti a écarté cette possibilité jeudi. En effet, si Swissair a annoncé vouloir désinvestir 4,5 milliards de francs d'actifs d'ici dix-huit mois, la liste établie par le groupe (voir tableau ci-contre) ne représente qu'un montant de 2,4 milliards dès le deuxième semestre. D'où une différence de deux milliards de francs que les porte-parole de Swissair ne pouvaient expliquer vendredi. Or, c'est à deux milliards de francs qu'est estimé approximativement Gate Gourmet.

Du côté des analystes, à la déception s'ajoute le désarroi provoqué par le manque de visibilité des chiffres: «Il est quasiment impossible de faire des prévisions», commente l'un d'eux qui, et il n'est pas le seul, n'émet plus de recommandations sur un titre hautement spéculatif et risqué.