Le Temps: Selon nos calculs, chacun de vos quatre sponsors principaux (la société électrique tessinoise AET, Manor, Swisscom et UBS) paie entre 500 000 et 600 000 francs. Est-ce correct?

Marco Solari: Ce sont vos calculs, nous ne pouvons pas donner de chiffres.

– On a vu récemment Swisscom quitter les festivals de musique. Va-t-il rester à Locarno?

Swisscom vient de signer une prolongation du contrat jusqu’en 2016. Rien ne laisse supposer que les grandes entreprises pourraient nous abandonner.

– Les sponsors principaux ont-ils un droit de regard sur la programmation?

– Jamais! Jamais un seul d’entre eux n’est intervenu dans les débats culturels. Un seul exemple: notre directrice artistique avait fait le choix de projeter un film ultra-violent, très brutal, le soir où UBS invitait l’ensemble de ses clients. Le lendemain, la banque nous avait dit: «Ça, c’est un problème.» Mais de manière très délicate.

– Les sponsors veulent de la visibilité. Locarno vend de la culture. Est-ce compatible?

– C’est un jeu très fin. Contrairement au sport, dans la culture, le sponsoring ressemble davantage à des partenariats créant des situations gagnant-gagnant. Lorsqu’un chef d’entreprise fait du sponsoring dans la culture, il fait en quelque sorte du mécénat. De plus, la Suisse italienne est un élément à part entière de l’équilibre suisse. Il n’aurait pas été dans l’intérêt général d’humilier cette région en laissant mourir le Festival de Locarno. C’est aussi cela que soutiennent nos sponsors. Enfin, ces derniers savent qu’en arrivant à Locarno, ils s’insèrent dans un contexte où chacun a ses droits et sa visibilité selon son statut.

– Concrètement?

– La Piazza Grande est par exemple réservée aux sponsors principaux. Ce qui ne veut pas dire que les autres ne peuvent pas y acheter un peu de présence (Moët & Chandon offre «l’excellence award», par exemple). Mais tout cela est d’abord discuté avec les sponsors principaux; ils sont les fondements de la cathédrale du festival. On ne fait rien sans les avoir engagés dans la discussion.

– Que se passe-t-il si deux concurrents veulent la même place?

– Chacun de nos sponsors principaux possède un contrat d’exclusivité et donc un droit de veto. Manor pourrait empêcher Coop ou Migros de rejoindre le premier cercle. Idem avec les télécoms: ayant Swisscom, nous n’aurons jamais Orange ou Sunrise comme sponsor principal. UBS possède l’exclusivité en ce qui concerne le domaine financier. Dès lors, pour éviter un éventuel clash, nous avons proposé à La Poste d’être partenaire logistique.

– Etes-vous ouvert à l’arrivée d’un cinquième sponsor principal?

– Les quatre principaux sont un peu timides pour l’ouverture du premier cercle à un cinquième. Nous privilégions le monde de l’horlogerie, mais nous pourrions également imaginer nous diriger vers la pharma ou la chimie.

– Le nombre de sponsors principaux est-il illimité?

– Non, c’est une question de visibilité. D’un autre côté, nous devons croître, ce sont donc des équilibres subtils. Mais des solutions existent toujours.