L’Union syndicale suisse (USS) a fait le point, lundi à Berne, sur l’évolution des salaires et du revenu disponible en Suisse. Le rapport 2015, présenté hier, basé sur des statistiques à fin 2012, montre que l’écart entre bas et hauts salaires se creuse. Les assurances sociales et la fiscalité ne parviennent pas à compenser cet élargissement du fossé entre riches et pauvres, selon les auteurs de l’étude, parmi lesquels Daniel Lampart, économiste en chef de l’USS.
«La Suisse a perdu sa boussole sociale au cours de ces vingt dernières années. Il est temps de corriger ces dérives», déclare Paul Rechsteiner, président de l’USS. La centrale syndicale demande une revalorisation des bas salaires, une nette augmentation des subventions des primes des caisses maladie et l’augmentation des rentes AVS. L’USS relève que le maintien de 60% de l’ancien revenu n’est généralement pas atteint dès 65 ans en cumulant rente AVS et 2e pilier (prévoyance professionnelle).
L’évolution des salaires réels est devenue nettement inégalitaire depuis le milieu des années 1990. De 1982 à 1996, les hauts salaires ont augmenté en pourcentage au même rythme que l’indice général des salaires de l’Office fédéral de la statistique (OFS). Mais les courbes se séparent brusquement en 1996 pour atteindre un écart substantiel. En 2012, alors que l’indice de l’OFS atteint 120 (indice 100 en 1982), les salaires de la tranche supérieure (1%) atteignent l’indice 150.
Généreux bonus
L’USS explique ce creusement du fossé par la politique des bonus et par l’accroissement de la part variable des rémunérations «au mérite» qui s’adressent en priorité aux bénéficiaires de salaires déjà élevés. La part de la masse salariale attribuée sous forme de bonus représentait 6% en 2012, contre 1,5% en 1996. L’USS constate également que les personnes qui perçoivent un salaire d’au moins un million de francs par an sont cinq fois plus nombreuses qu’au début des années 1990. La catégorie professionnelle la plus délaissée est celle des détenteurs d’un certificat professionnel de capacité (CFC). Les ouvriers qualifiés ont ainsi vu leur salaire réel augmenter de 4% depuis 1996, alors que la moyenne se situe à 12%. La tranche des 10% des salaires inférieurs a obtenu une hausse de 8%, celle des 10% des salaires supérieurs a touché une augmentation de 25%, alors que la tranche de 1% des salaires supérieurs a bénéficié d’une progression de 40%.
Le salaire brut réel est l’une des données examinée par l’USS. Le syndicat s’est aussi intéressé au revenu disponible après correction par la fiscalité et les assurances sociales. La fiscalité directe, progressive, et les aides étatiques diverses devraient en principe, par la redistribution et des taux d’imposition différenciés, éviter que le fossé se creuse entre riches et pauvres. L’USS constate que ce n’est pas le cas.
Lourdes primes maladie
La fiscalité indirecte (TVA) et les taxes, identiques pour tous, réduisent nettement l’effet de progressivité de l’imposition directe, constate l’USS. Les primes des caisses maladie ont augmenté, pour tous, de 94% depuis 1996, mais les subventions en faveur des bas revenus et des familles n’ont pas compensé, pour la majorité de la population, l’impact négatif sur le revenu disponible. «En comparaison internationale, le système fiscal suisse fait partie des systèmes les plus injustes du point de vue de la répartition des revenus et de la fortune», s’indigne Daniel Lampart.
La Suisse se situe en queue de peloton de 24 pays européens en matière de correction des inégalités des revenus par le système fiscal et les transferts. Elle figure également parmi les mauvais élèves en ce qui concerne le financement égalitaire des dépenses de santé. L’USS propose donc une augmentation des subventions de 2,1 milliards de francs (+ 51%) pour éviter que plus de 10% du revenu imposable d’un ménage soit avalé par l’assurance maladie obligatoire.