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Le syndrome Swissair persiste

La décision d’UBS d’appeler Kaspar VIliger à la présidence de la banque ne plaît pas aux radicaux. Ils craignent le piège

Parmi les dates phares de l’histoire suisse contemporaine, le 2 octobre 2001 vient juste après le 6 décembre 1992. Ce matin-là, la flotte de Swissair resta clouée au sol pour toujours, les Suisses commencèrent à perdre un certain nombre d’illusions sur la solidité du Swiss made, les actionnaires et les créanciers de la compagnie beaucoup d’argent et les radicaux des plumes par poignée. Sur le plan sémantique, le 2 octobre 2001 fit la fortune d’un vocable intraduisible littéralement, le «Filz». On entendait par là une sorte de réseau ou de mycélium politique, économique et financier nourrissant le monde des affaires et le Parti radical, avant tout le parti zurichois qui incarnait le parti suisse.

Au moment où l’on annonce la nomination de Kaspar Villiger à la présidence du conseil d’administration d’UBS, les radicaux se souviennent de Vreni Spoerry, Eric Honegger et Mario Corti, respectivement conseillère aux Etats, conseiller d’Etat et candidat pressenti pour la succession de Jean-Pascal Delamuraz par l’aile économique du parti – qui trouvait le Valaisan Pascal Couchepin un peu léger –, entre autres. Les intéressés le payèrent très cher à plusieurs égards et tous les radicaux avec eux. A cause du Filz, le parti dut endosser par capilarité tous les péchés des fossoyeurs de Swissair, et les expia dans les urnes par une forte accélération de son déclin historique.

«C’est le Filz qui recommence». «Nous sommes mouillés jusqu’au cou». «Si UBS a encore des problèmes, ce sera de nouveau la faute du Parti radical alors que si tout va bien personne ne se souviendra que Villiger est radical». A Berne, les radicaux étaient loin d’être ravis mercredi, ces réflexions en témoignent, du choix de l’ancien conseiller fédéral par UBS. Si certains connaissaient la nouvelle depuis mardi soir, nombre d’entre eux ne l’avaient apprise que le jour même en début de matinée.

Ce que l’on peut appeler le syndrome Swissair est encore très vivace, on a pu le constater mercredi au sein du parti, qui a mis des années à apurer ses comptes et à clarifier ses relations avec les milieux économiques. Avant que son président actuel, Fulvio Pelli, ne ramène le calme, la direction du parti a été fortement chahutée par les manœuvres de l’aile restée proche de ces milieux économiques, pour garder ou reconquérir le pouvoir. Le Tessinois l’a du reste emporté en mars 2005 sur l’un de leurs représentants, le Lucernois Georges Theiller.

Simultanément, le Parti radical avait commencé à être lâché par les milieux économiques eux-mêmes où certains, sensibles aux charmes des idées carrées et des méthodes énergiques, furent tentés par une idylle avec l’UDC. Christoph Blocher déçut toutefois au Conseil fédéral la plupart des espoirs qu’il avait éveillés et le parti se rabibocha avec les leaders de l’économie, réunis à l’automne 2004 au sein d’un club de soutien, qui se limita rapidement à un soutien financier. Ayant ainsi rétabli la confiance tout en marquant ses distances avec les grandes entreprises, le Parti radical, aujourd’hui libéral-radical, s’identifie désormais moins directement à elles qu’il ne s’attache à la défense des conditions-cadres nécessaires à leur prospérité.

Problème d’image

Si la présence de Kaspar Villiger au conseil d’administration d’UBS fait revivre un modèle dépassé et réveille de mauvais souvenirs, elle pose également un problème d’image aux radicaux. Avec son image, justement, de vieux sage scrupuleux et respectable, d’honnête homme pétri des valeurs d’autrefois, – d’avant la folie qui a emporté les banques dans la débâcle –, Kaspar Villiger est au monde de la finance ce que la Mère Denis est à celui de la lessive. Si l’icône rassurante est utile à UBS, son arrivée sous les feux de la rampe donne un coup de vieux à des radicaux toujours en mal de rajeunissement.