Conférence
Le président de l’Equateur Rafael Correa était en visite vendredi à Genève. Il a exprimé sa conception du développement en tant que programme politique, à l’invitation de la Cnuced

«La gestion de la dette passe avant la croissance»
Equateur Le président Rafael Correa à Genève
Vendredi à Genève, il a affirmé ne pas croire au «miracle économique». Pas plus qu’il n’a jamais eu foi au libre-échange, une «utopie simpliste», selon lui. «Le développement est une affaire de pouvoir», résume Rafael Correa, à l’invitation de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced).
Le président équatorien, chantre de la coopération régionale issu d’un milieu modeste, antilibéral endurci et partisan d’un mode de développement alternatif, plus respectueux de la nature, est convaincu que les racines de la pauvreté sont plus politiques qu’économiques. «Ce sont les élites qui président à la répartition des richesses», déclare l’homme fort de Quito depuis 2007.
Plus petit membre de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, l’Equateur doit importer des dérivés pétroliers en raison d’un manque de capacités de raffinage, budget auquel le pays a consacré plus de 6 milliards de dollars en 2013. La santé économique de ce premier exportateur mondial de bananes et de crevettes fluctue donc au gré des cours du pétrole. Bien que confortable, sa rente d’hydrocarbures reste modeste comparée à celle de son voisin vénézuélien (plus de 2 millions et demi de barils par jour, contre 500 000 barils pour Quito). L’or noir, qui a permis le développement de programmes sociaux, l’éducation supérieure et la recherche, représente environ 30% des recettes de l’Etat équatorien et 60% des exportations.
Plutôt que de renforcer son économie, cette stratégie comporte le risque de la fragiliser davantage. Si les cours du pétrole venaient à s’effondrer, le pays n’aurait, selon les spécialistes, pas suffisamment de réserves pour faire face au choc, pas plus qu’il n’aurait la possibilité de chercher de l’aide auprès du Fonds monétaire international, instance avec laquelle il a coupé tout contact.
«J’ai renégocié notre dette et les contrats avec les compagnies pétrolières étrangères, ce qui a permis de tripler notre budget public», rappelle Rafael Correa, dont le pays stagne à la 118e place mondiale de l’indice de perception de la corruption publié par Transparency International, au même niveau que Madagascar. Les majors du pétrole versent désormais 80% de leur rente à l’Etat. Ce qui a provoqué l’exode de plusieurs multinationales, notamment la franco-britannique Perenco et l’américaine Oxy.
Régulièrement taxé d’autoritarisme, Rafael Correa a dernièrement condamné l’entreprise d’exploitation pétrolière américaine Chevron pour la contamination – entre 1964 et 1990 – de terres en Amazonie. Montant de l’amende: 9,5 milliards de dollars, soit l’une des peines pécuniaires les plus sévères de l’histoire du droit de l’environnement.
Sous perfusion chinoise
Quant à la dette extérieure de l’Equateur (près de 11 milliards de dollars), elle est pour l’heure largement financée par la Chine. Les prêts de Pékin, gagés sur les recettes pétrolières et le potentiel de production d’électricité, s’élèvent à un peu plus de 9 milliards de dollars. Le déficit extérieur équatorien a par ailleurs joué un rôle central dans la reprise de l’extraction pétrolière dans le Yasuni (sanctuaire amazonien à l’est du pays), dont le potentiel d’exploitation pourrait ajouter 19 milliards de dollars au budget de l’Etat à l’horizon 2035.
Mais Rafael Correa, économiste de formation, a imposé un moratoire sur une partie de cette dette jugée illégitime. Le coefficient d’endettement de Quito est ainsi passé à 24% du PIB du pays fin 2013 et devrait atteindre 26% du PIB cette année. «De bons investissements publics dans les infrastructures engendrent l’afflux d’investissements privés», affirme-t-il.
Comment rassurer les investisseurs étrangers, refroidis par la réforme pétrolière et des discours offensifs à l’égard de l’Occident? L’Equateur a besoin de capitaux s’il veut diversifier son économie. Raison pour laquelle mercredi et jeudi, Rafael Correa était en visite au Qatar. Où il a plaidé pour un partenariat bilatéral portant sur les secteurs des hydrocarbures et de la pétrochimie, mais aussi du tourisme et de l’immobilier dont les taux de croissance attendus sont censés avoisiner en moyenne les 4% ces prochaines années.