Le Forum de l’innovation qui s’est tenu en fin de semaine passée à Stockholm était placé sous la conduite de la cheffe du Département fédéral de l’économie, Doris Leuthard.

Le Temps: En Suisse, la politique climatique semble être perçue comme une contrainte négative, sans espoir de retour sur inves­tissement. Quelle est votre opinion?

Doris Leuthard: L’économie et l’écologie vont très bien ensemble. Les technologies propres permettent de réduire les coûts de l’énergie et donnent accès à de nouveaux marchés tout en offrant des perspectives de croissance. Les cleantech permettent de créer des emplois et occupent une place importante dans les mesures de stabilisation conjoncturelle. A l’exportation, ce marché enregistre une croissance de 5 à 10% par année, avec une tendance à la hausse. Les pays qui investissent dans ce domaine seront les gagnants de demain. En termes de prise de conscience, il me semble que les jeunes sont toujours plus concernés par l’écologie. En revanche, avec la crise économique, ce secteur n’est malheureusement plus considéré comme une priorité pour beaucoup d’acteurs de l’économie.

– Dans quelle mesure le modèle suédois vous inspire-t-il?

– Selon Ewa Björling, ministre du Commerce, la prise de conscience en matière d’écologie démarre dès la plus tendre enfance. Je pense qu’il faut en effet sensibiliser davantage la population. En Suisse, par exemple, le recyclage des déchets, introduit il y a environ trente ans, est entré dans les mœurs. Ce n’est pas encore le cas en ce qui concerne la consommation énergétique. Pour y parvenir, nous devons fournir de meilleures informations au consommateur. Lorsqu’il achète un appareil électronique, un réfrigérateur ou une voiture, il doit être mieux informé sur sa consommation énergétique. Un système de standard international en matière d’étiquetage me paraît essentiel.

En matière de réchauffement climatique, il faut une action planétaire entre tous les pays, et des mesures concrètes doivent être appliquées. Des pays tels que la Chine ou l’Inde doivent impérativement y participer.

– En parlant de mesures concrètes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, la Suède a introduit une taxe carbone très dissuasive s’appliquant aussi bien aux combustibles (mazout, gaz, charbon) qu’aux carburants. Que pensez-vous d’un cadre législatif similaire en Suisse?

– En Suisse la taxe sur le CO2 devrait passer à 36 francs par tonne à partir de 2010. Les milieux économiques ne seraient jamais d’accord de quadrupler cette taxe qui, il faut le relever, n’a pas affecté la compétitivité de la Suède. En revanche, dans ce pays, les gens utilisent toujours autant leur voiture.

– La Suède a également pour objectif de remplacer sa consommation d’essence par des biocarburants. Qu’en pensez-vous?

– Cela me paraît difficilement réalisable. Je pense qu’il faut surtout restreindre l’importation de véhicules qui consomment trop et investir dans le domaine des transports publics.

– Les énergies renouvelables représentent 40% de l’énergie consommée en Suède. Le quartier de Hammarby Sjöstad en est une figure emblématique. Quelle est votre opinion par rapport aux biomasses afin de réduire les émissions de CO2?

– Je trouve que le procédé est extrêmement intéressant. A ce niveau-là, nous avons beaucoup à apprendre du modèle suédois.

– Inversement, quel savoir-faire helvétique en matière de «cleantech» intéresse la Suède?

– La Suisse est bien positionnée en matière de technologies liées aux matériaux légers qui permettent de générer des économies d’énergie. Nous avons également des systèmes d’isolation des bâtiments très efficaces et sommes à la pointe en matière d’énergie solaire. Enfin, les technologies liées à la purification des eaux et notre savoir-faire en matière de planification urbaine intéressent également plusieurs pays.

– Comment favoriser l’émergence de start-up «cleantech» en Suisse?

– Beaucoup de start-up n’arrivent pas à atteindre une masse critique suffisante. Les fondateurs ont des idées fantastiques. Quand il s’agit de les mettre sur le marché, ils n’ont pas toujours les aptitudes requises. Parallèlement, cette branche pourrait être mieux organisée. Le parlement a accepté de les soutenir par la création d’une plateforme. Cette dernière les aidera à mieux commercialiser leurs innovations. Deux autres plateformes similaires devraient d’ailleurs être créées. L’une, dirigée par Nelly Wenger, s’adressera au domaine de l’architecture, de l’ingénierie et du design et une troisième regroupera les sociétés du domaine des sciences de la vie. Nous avons un potentiel immense dans de nombreux domaines et dans les cleantech en particulier. A nous de mieux l’exploiter.