La rumeur courait depuis l’été, et elle a été confirmée le 9 novembre dernier par les dirigeants du groupe italien Generali: la banque tessinoise BSI contrôlée par l’assureur italien est en vente car elle ne constitue plus une activité «stratégique». En Suisse italienne, les préoccupations sont grandes pour la conservation des emplois tessinois.

Dans une interpellation déposée le mois dernier, les principaux partis parlementaires à l’exception de l’UDC ont demandé au Conseil d’Etat d’agir immédiatement pour sauver ce «patrimoine» et éviter qu’il ne tombe en mains étrangères. Bien que préoccupé par la sauvegarde des emplois, le canton n’entend pas acquérir la banque privée, a-t-il répondu. Fondée en 1873 à Lugano, la BSI fait partie de l’identité économique et culturelle de la Suisse italienne. Très active dans la promotion de la musique et des arts dans le canton, elle y emploie plus d’un millier de personnes, essentiellement à Lugano – quelque 1300 en Suisse et quelque 1900 au total.

La place financière tessinoise, déjà malmenée, tremble à nouveau, mais reste pour le moment bouche cousue. Ni le président de l’Association bancaire tessinoise (ABT), Claudio Generali, ni son directeur, Franco Citterio, n’ont voulu s’exprimer sur la question. «No comment» du côté de la BSI également.

Le processus de vente, qui durera trois mois au moins, est à peine entamé, explique un opérateur du secteur bancaire. Les mémorandums (informations détaillées) viennent d’être envoyés aux intéressés sélectionnés par les advisers, les intermédiaires chargés de l’opération de cession, soit JPMorgan et Mediobanca.

Plusieurs noms d’acquéreurs potentiels circulent, sans qu’aucun ne soit confirmé. Comme l’Union Bancaire privée; la BSI est pourtant plus grande que l’établissement genevois, qui vient en outre de racheter les activités suisses d’ABN Amro l’an passé et de Banco Santander en juin. Julius Baer est aussi évoqué; la banque zurichoise a manqué le rachat de Sarasin cette année, mais vient de mettre la main sur les activités de gestion de fortune de Merrill Lynch pour près de 900 millions de francs. Enfin, le nom de Credit Suisse est aussi mentionné.

D’autres noms étrangers sont évoqués, et pas davantage confirmés par les établissements en question. On peut citer un fonds souverain de Singapour, les banques japonaises Bank of Tokyo-Mitsubishi et Sumitomo, des investisseurs chinois, la Royal Bank of Canada et le fonds anglais Apax.

Des opérateurs du secteur bancaire s’accordent à dire que la BSI aurait tout à perdre de l’achat par une banque «trop proche», suisse ou européenne. Il y a fort à parier que l’institut acquéreur s’empresserait alors de rationaliser pour retirer un profit maximum de la nouvelle masse qu’il viendrait d’absorber. Cette option aurait pour conséquence un «redimensionnement douloureux», commente un banquier de la place tessinoise.

L’idéal serait en revanche l’acquisition par une banque «lointaine», pas encore ou peu présente en Suisse et en Europe, et intéressée à y développer ses activités. La BSI deviendrait son «joyau» sur le Vieux Continent; une opportunité pour la banque et peut-être pour toute la place financière tessinoise. La forte présence de la BSI sur les places financières de Hongkong et Singapour la rend attractive pour des instituts asiatiques, relèvent des observateurs.

Martino Rossi, économiste et député socialiste au Grand Conseil de Lugano, propose une autre voie: le rachat par les managers de la BSI avec l’aide d’investisseurs locaux (buyout) des seules activités helvétiques de la banque. Le démembrement de la BSI aurait des conséquences fatales, avertit cependant un banquier.

La BSI dispose actuellement de fonds propres se situant autour des 2,5 milliards de francs, et c’est donc aussi le prix estimé pour sa vente. Elle gère quelque 81,1 milliards, et enregistrait à fin juin 2012 un bénéfice net de 42,6 millions – en hausse de 32,5% par rapport à 2011.

Sa présence

à Hongkong et à Singapour la rend attractive pour des instituts asiatiques