commerce
Le premier ministre japonais veut s’appuyer sur le gigantesque accord commercial pour inciter ses agriculteurs et certains de ses industriels à enfin accepter une dérégulation du marché local. Mais une soudaine méfiance du Congrès américain pourrait compromettre la stratégie de Shinzo Abe
Le Japon s’inquiète des tergiversations américaines
Commerce Stratégie nipponne compromise
A Davos, le premier ministre japonais, Shinzo Abe, a fait forte impression en annonçant qu’il était sur le point d’enclencher plusieurs réformes structurelles d’envergure, auxquelles les lobbies de l’Archipel s’opposent depuis des décennies.
«Sur les deux prochaines années, aucun groupe d’intérêt ne résistera à notre percée», a martelé le chef du gouvernement, avant d’indiquer qu’il comptait se servir de la promesse d’un gigantesque accord commercial, le Partenariat transpacifique (TPP), pour activer cette révolution et relancer la croissance. «Le TPP sera un pilier central de notre politique économique», a expliqué le dirigeant.
En agitant les avantages d’une participation à un vaste espace de libre-échange potentiellement gourmand de produits nippons, Tokyo espère convaincre ses paysans et certains de ses industriels d’enfin abandonner les barrières commerciales qui protègent le marché domestique. L’exécutif espère notamment faire chuter certains prix dans le pays ou favoriser l’émergence de grandes exploitations agricoles opérées par des groupes privés.
Dégradation du climat
Mais de retour à Tokyo, Shinzo Abe a réalisé que sa stratégie venait d’être fragilisée par une soudaine dégradation du climat politique américain. Très motivée par la finalisation rapide du TPP, qui implique douze nations et recouvre potentiellement 40% du PIB de la planète, l’administration de Barack Obama a appris, en fin de semaine dernière, qu’elle risquait de ne plus pouvoir négocier, seule, le gigantesque accord. Plusieurs influents élus démocrates semblent, en effet, décidés à s’immiscer dans les discussions en refusant d’accorder au président des Etats-Unis la TPA ou trade promotion authority qu’il réclame. «Si la TPA n’est pas accordée, les négociations vont être beaucoup plus laborieuses», résume Harumi Taguchi, une économiste d’IHS à Tokyo. «C’est un vrai problème pour les «Abenomics», qui comptent sur une conclusion rapide pour imposer leurs projets de dérégulation.»
Cinq produits «sacrés»
A Tokyo, le gouvernement refuse pour l’instant de montrer son abattement. «Les vues divergent sur la trade promotion authority. Certains pensent que ça peut aider les négociations, d’autres disent que non», a expliqué Akira Amari, le ministre du Commerce, qui veut croire que les négociations pourraient toujours aboutir au printemps.
En coulisses, les experts sont plus dubitatifs. Une implication du Congrès américain risque d’accroître la pression sur plusieurs capitales qui ont pour l’instant refusé de trop importantes concessions. Le Japon est particulièrement montré du doigt. A Davos, ses négociateurs ont retrouvé leurs homologues américains mais n’ont pu gommer leurs différences sur le volet agricole du TPP.
Tokyo veut garder le droit de protéger cinq produits «sacrés» des campagnes de l’Archipel, comme le riz, le sucre, la viande de bœuf ou les produits laitiers. Washington serait prêt à tolérer une certaine protection des producteurs japonais de riz mais se montre, en revanche, inflexible sur l’ouverture des autres marchés agricoles du pays.