L’afflux d’investisseurs se conjugue à un moindre coût des sinistres
Les images de catastrophes se succèdent sur les écrans de télévision. Plus de 100 tornades ont déjà frappé les Etats-Unis cette année. Et, dans le sud des Etats-Unis, les inondations succèdent aux tornades. Mais le coût de la protection contre les catastrophes naturelles diminue. Est-ce aussi contradictoire qu’il y paraît?
La baisse des prix est incontestable. Scor, cinquième réassureur mondial, a annoncé mercredi une baisse de 8,3% des tarifs en réassurance non proportionnelle, principalement en catastrophes naturelles, lors des renouvellements de contrats en avril. A cette date, le réassureur franco-suisse renouvelle 10% de ses contrats, notamment ceux du Japon et des Etats-Unis. Heureusement pour Denis Kessler et son groupe, 72% des primes renouvelées relèvent de la réassurance dite proportionnelle, laquelle bénéficie des améliorations tarifaires en assurance directe (+0,3%). La baisse des tarifs du risque de catastrophes ne l’a donc pas empêché d’augmenter ses recettes de primes de 8,5%. Swiss Re, deuxième groupe au monde derrière Munich Re, présentera ses résultats lors d’une conférence de presse jeudi prochain. Lors des renouvellements de janvier dernier, les prix des contrats du réassureur suisse avaient baissé de 3,6% et son volume d’affaires de 6%.
Pour l’ensemble de la branche, le broker Willis Re s’attend à une baisse des tarifs de réassurance allant jusqu’à 20% lors des renouvellements d’avril. Le recul serait plus marqué aux Etats-Unis qu’ailleurs. Il ajoute «ne voir aucune raison lui permettant d’imaginer un ralentissement de cette tendance».
Mais si la baisse des prix ne se conjugue pas à une hausse des coûts des sinistres, les réassureurs devraient à nouveau présenter de bons résultats en 2014, selon le courtier. Les analystes anticipent toutefois une baisse d’un tiers du bénéfice de Swiss Re cette année.
Dans un contexte de réchauffement climatique, qui devrait modifier, selon une étude Sigma, «la fréquence, l’intensité et la durée des événements météorologiques extrêmes», cette chute de tarifs peut surprendre. Elle ne se limite pas à l’échéance d’avril. En janvier dernier, une autre date majeure du calendrier des réassureurs, Guy Carpenter a observé une baisse des tarifs «presque dans toutes les catégories et les régions». Son indice des prix des assurances de catastrophes a baissé de 11%, et même de 15% aux Etats-Unis. Le courtier ajoutait que pour la première fois depuis une décennie, les tarifs se contractaient dans toutes les principales régions du monde.
L’origine du phénomène est double. D’une part le coût des catastrophes naturelles a diminué l’an dernier. Les dommages assurés se sont élevés à 45 milliards de dollars l’an dernier, contre 81 milliards l’année précédente. Les deux plus coûteuses en vies humaines ont été le typhon Haiyan aux Philippines (7500 morts) et les inondations de juin en Inde (6000 victimes). Les Etats-Unis et le Japon ont été relativement épargnés.
La deuxième raison est à chercher dans la politique monétaire des banques centrales et les rendements obligataires extrêmement bas qui incitent les investisseurs à rechercher des alternatives de placement.
Les institutionnels et les hedge funds se sont littéralement rués sur les obligations liées aux assurances (ILS), notamment les obligations catastrophes (cat bonds). Il s’agit de titres qui rémunèrent l’épargnant en l’absence de sinistres. Les cat bonds offrent un rendement supérieur aux obligations.
Le marché des obligations catastrophes a explosé et se monte à 20 milliards de dollars. Avec 7,4 milliards de dollars d’émission en 2013, l’année dernière a été la deuxième plus riche de l’histoire. Le niveau s’est accru de 50% depuis 2011, selon Swiss Re.
Les obligations catastrophes se multiplient sur les risques les plus connus. Le risque d’ouragan aux Etats-Unis a concentré les deux tiers des émissions en 2013. L’investisseur n’a guère de raisons de se plaindre. L’indice Swiss Re Cat Bond a gagné 10,85% en 2013. Le rendement s’est élevé à 8,53% par an depuis 2002. Il est donc supérieur aux obligations à haut risque (8,42%) et aux actions américaines (5,97%). Le rendement est moindre sur les catastrophes classiques, tel un tremblement de terre aux Etats-Unis, que sur des risques complexes. Twelve Capital, à Zurich, l’un des premiers acteurs suisses, a indiqué mercredi que les récentes tornades n’étaient pas incluses dans les obligations catastrophes qu’il détenait. Mais d’autres titres de ce type investissent dans les risques de tornades et d’ouragans.
Le marché des obligations catastrophes a explosé et se monte à 20 milliards de dollars