Le Temps: L’application Totemi s’adresse-t-elle aux Neuchâtelois ou aux touristes?

Lena Brina: Les deux. Les premiers touristes d’une ville sont toujours ses habitants. Nous avons commencé un travail il y a trois ans avec Tourisme neuchâtelois pour redynamiser le tourisme au centre-ville. C’est ainsi que nous avons lancé des visites guidées sur la Belle Epoque. Tout ce projet fonctionne très bien.

Puis nous avons pensé aux technophiles et nous avons réfléchi aux options possibles, qui soient ludiques. C’est à ce moment-là que la société Talk to me et la réalisatrice Orane Burri nous ont approchés avec leur idée de visite numérique. Nous avons vu cette autre manière de voir la ville comme un bonus à ajouter à ce que nous venions de développer.

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Pourquoi avoir choisi la période de la Belle Epoque (1871-1914)?

Nous voulions choisir un thème fort, et la Belle Epoque, où la foi dans le progrès et l’avenir était très forte, correspondait à ce critère, d’autant qu’il s’agit de la période à laquelle le tourisme est apparu à Neuchâtel. En outre, cette époque n’est pas si lointaine, c’est celle de nos arrière-grands-parents, ce qui aide aussi à se projeter.

Combien coûte le développement d’une telle application?

C’est cher. Nous avons souhaité un contenu de qualité, c’était l’aspect le plus important, sur lequel nous ne voulions pas transiger. Cela impliquait un grand travail, notamment de tournage. Le coût total du projet a donc dépassé les 80 000 francs, mais nous avons pu obtenir un soutien de la Confédération pour les régions les moins sur le devant de la scène, grâce à la plateforme de la Nouvelle Politique régionale (NPR).

Y a-t-il des projets de développement?

Talk to me a déjà développé une balade numérique dans la commune de Môtiers et au parc archéologique du Laténium, qui est l’un des lieux les plus touristiques du canton. C’était aussi l’une de nos priorités dans ce projet: collaborer avec l’économie locale. Talk to me est une société neuchâteloise, tout le développement de l’application s’est fait dans le canton, de même que les boîtiers qui abritent les beacons – la technologie qui permet de communiquer les informations aux visiteurs par Bluetooth – tout au long du parcours.

Est-il désormais obligatoire de proposer des «voyages numériques» aux touristes?

Ce n’est pas forcément une obligation. Ou pas encore. Mais il faudra répondre aux demandes des nouvelles générations. Lorsqu’on voit le succès de jeux comme Pokémon Go, on comprend que cette technologie va devenir incontournable dans notre secteur aussi. La technologie des beacons existe depuis quelques années et elle a d’ailleurs rapidement suscité des idées dans le tourisme, à combiner avec la réalité augmentée et la réalité virtuelle.

Mais beaucoup de projets étaient au départ des gadgets, ce qui ne nous intéressait pas. Nous avons choisi celui de Talk to me pour ses aspects qualitatif et interactif. Le visiteur n’a pas simplement le nez dans son téléphone, il est partie prenante, il doit par exemple aller chercher les boîtiers pour avancer dans la balade.

Des historiens critiquent ce genre de projets, car les reconstitutions impliquent souvent des approximations. Comment en avez-vous tenu compte?

Un travail énorme, avec des historiens entre autres, avait déjà été fait pour développer les visites guidées du centre-ville, les développeurs ont pu en profiter. N’importe qui peut produire du contenu, mais il faut une validation par des experts, c’est clair.