Pandémie
Baisses de chiffres d’affaires allant jusqu’à 90%, taux d’occupation quasi nuls, réservations balbutiantes. Le manque à gagner dû à la pandémie devrait friser les 9 milliards pour le tourisme suisse. Le tableau est particulièrement sombre dans la Cité de Calvin

Sans surprise, l’encéphalogramme touristique n’indique pratiquement aucun signe de vie depuis le mois de mars. Selon une nouvelle estimation publiée vendredi par la HES-SO Valais, le manque à gagner entre mars et juin tournera autour de 8,7 milliards de francs pour l’ensemble de la branche en Suisse. Dans une première étude réalisée en mars, la perte était évaluée à 6,4 milliards de francs.
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Pas moins de 60% des 3518 prestataires qui ont répondu à l’enquête ont carrément préféré fermer boutique jusqu’à la reprise, 22% autres ont réduit leur taux d’activité. «Un hôtel fermé, ça fait mal.» Christophe Ming a décidé, lui, de poursuivre l’exploitation de l’Astra Hotel Vevey qu’il gère avec son frère. La demande a été faible, malgré l’initiative rapide de mettre des chambres à disposition pour du télétravail. «On compte sur les doigts d’une main les demandes», constate l’hôtelier qui précise que le but n’était pas de faire des affaires: «Rester ouvert nous a permis d’être présents, de communiquer avec les clients et les collaborateurs.»
Un hôtel fermé, ça fait mal – Christophe Ming, hôtelier à Vevey
Son établissement a ainsi par exemple accueilli pendant plusieurs semaines un réfugié touristique en provenance de Genève. Impossible pour celui-ci de trouver à se loger. Au début d’avril, l’association des hôteliers genevois estimait en effet à deux tiers le nombre d’établissements fermés dans la ville, une ville qui réalisait 2 182 000 nuitées en 2019.
«Des résultats alarmants»
Dépendant des manifestations, des congrès et autres voyages d’affaires, le tourisme urbain paie sans doute le tribut le plus élevé à la pandémie, comme le confirme l’étude de la HES-SO Valais. Une étude qui présente «des résultats alarmants», s’inquiète Adrien Genier, directeur de la Fondation Genève Tourisme et Congrès. En avril, la baisse de chiffres d’affaires frôle les 100% pour les acteurs touristiques de la ville; les hôtels affichaient par exemple des taux d’occupation proches de 0%.
Coauteur de l’étude, le professeur Roland Schegg ne se montre pas surpris: «Les villes ont été frappées plus tôt que les autres régions, avec par exemple à Genève l’annulation de grandes manifestations comme le Salon de l’auto en mars. Elles pressentent aussi que les grands événements internationaux ne vont pas reprendre cette année.»
Conséquence: bon nombre d’hôteliers ou d’organisateurs de manifestation genevois s’attendent à continuer à enregistrer des mauvais résultats cette année. Pire, ils craignent peut-être même un changement d’ordre structurel pour le tourisme d’affaires, suggère Roland Schegg: «Avec le télétravail qui a fait ses preuves, les entreprises pourraient se dire que finalement les visioconférences remplacent avantageusement une partie des voyages.»
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Endettement préoccupant
Dans un avenir beaucoup plus proche, ce qui préoccupe le directeur de Genève Tourisme, c’est la dégradation rapide de la situation financière des hôtels et des restaurants de la ville. «En mars, le ratio d’endettement – dettes/fonds propres – médian des hôtels et restaurants était de 15%. Aujourd’hui, il est de 49%, s’alarme Adrien Genier. Et malgré les crédits-relais, 76,6% des sondés disent qu’ils n’arriveront pas à couvrir leurs frais fixes au-delà du mois de juin.»
Peu surprenant donc que le risque de faillite soit beaucoup plus élevé qu’ailleurs. 35% des établissements sondés estiment que leur pronostic vital est engagé, contre 22% au niveau national. Quelque 120 prestataires touristiques ont répondu aux questions de la HES-SO Valais.
«Ces résultats vont nous permettre de renforcer le message et de faire prendre conscience aux pouvoirs publics que les demandes sont réellement fondées. Le tourisme doit être soutenu avec d’autres solutions que le seul crédit-relais.» L’étude tombe à point nommé pour les milieux touristiques puisque le parlement se réunit dès lundi en session extraordinaire pour débattre des aides sectorielles à apporter à l’économie.