Il règnait une ambiance détendue mi-juillet chez Audemars Piguet au Brassus, à la vallée de Joux, à l'aube des vacances horlogères que la manufacture respecte encore scrupuleusement, en hommage aux valeurs historiques de la branche. Georges-Henri Meylan s'apprêtait donc à faire ses valises lorsque Le Temps l'a rencontré. Une pause bienvenue, car l'horlogerie vit une période euphorique depuis trois ans avec en corollaire une surcharge de travail. Georges-Henri Meylan en a pourtant vu d'autres et n'a pas modifié sa manière de travailler. Sa journée commence inexorablement entre 6h30 et 6h45, avec la radio en guise de réveil. «C'est très important de savoir ce qui se passe dans le monde, et pas seulement dans notre environnement immédiat.» Pour s'informer, le patron lit également Le Temps, ainsi que la Tribune de Genève. S'il en a le temps, il parcourt aussi volontiers le Financial Times.
L'arrivée au bureau se situe aux alentours de 8h00 et la journée dure en général jusqu'à 19h00. «J'ai la chance d'habiter à deux minutes de mon lieu de travail. Mais c'est aussi un piège. Car, lorsque je vais acheter du pain le samedi matin, je passe devant les bureaux. Et il m'arrive trop souvent de m'y arrêter», regrette-t-il.
Un rôle d'ambassadeur
Voilà pour une journée normale. Car depuis quelques années, en parallèle à la croissance du groupe, l'administrateur est de plus en plus amené à se déplacer à l'étranger. Des voyages qui accaparent désormais la moitié de son temps de travail, entre les visites auprès des filiales, des distributeurs aux quatre coins de la planète et les événements promotionnels. «J'ai en quelque sorte un rôle d'ambassadeur pour la marque. Cela provient également du fait que nous exportons 95% de notre production.» S'il confesse devoir faire le tri dans ses obligations, certaines s'avèrent incontournables, comme les séances budgétaires, qui sont de plus en plus délocalisées à l'étranger, en raison de l'internationalisation de l'entreprise.
Le patron de la manufacture n'a pas de peine à déléguer les responsabilités. Il est par contre opposé à une direction bicéphale. Une expérience passée a montré les limites du modèle, où il faut en fin de compte «toujours faire des compromis peu propices à la bonne marche de l'entreprise». Georges-Henri Meylan se qualifie plus ou moins de technophile. Adepte du Blackberry pour son côté pratique après avoir utilisé pendant dix ans un Palm, il regrette toutefois que l'écriture - et le beau français - tendent à disparaître en raison des courriels. Lui n'hésite pas à se servir d'une plume et à envoyer des lettres manuscrites. Des marques d'attention vitales dans le secteur du luxe. «Mais rien ne pourra jamais remplacer les contacts et les relations directes.» Grand voyageur, en général en classe affaires, il profite des vols pour réfléchir à l'avenir du groupe. «C'est mon travail, je dois savoir à quoi ressemblera la société en 2009 et 2010. En ce qui concerne la production de montres, j'ai des chefs de projet qui s'en occupent. Un patron n'a pas à s'occuper de la gestion au quotidien.» Mélomane (classique) et amateur d'opéra (abonné depuis vingt-cinq ans à celui de Lausanne), il apprécie aussi la lecture. Surtout les thrillers américains, qui se lisent facilement et permettent de s'évader. En été, il pratique volontiers le golf et le ski de piste en hiver. Consacrer du temps à sa famille est vital. «Il faut un équilibre. Trop de familles éclatent en raison de la suractivité d'un des conjoints.»
Parfois, le soir, Georges-Henri Meylan s'accorde un cigare et profite de l'instant présent. «En somme, je cultive la simplicité.» Un peu à l'image de la vallée de Joux, qu'il affectionne tant et qu'il considère comme le centre du monde. Horloger bien sûr.