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Trecento pose ses jetons numériques à Genève

Le gestionnaire d’actifs parisien a choisi le bout du lac pour y lancer sa filiale spécialisée dans la blockchain. Celle-ci sera financée à travers une émission de jetons numériques pour 20 millions d’euros

La société Trecento prévoie à terme d'employer quelque 50 personnes à Genève. — © Trecento ©
La société Trecento prévoie à terme d'employer quelque 50 personnes à Genève. — © Trecento ©

C’est une fusée à trois étages qui va se poser à Genève. Trecento, la société de gestion basée à Paris, a choisi le bout du lac pour y installer sa première filiale, dédiée aux investissements liés à la blockchain. Mais aussi lancer une ICO (Initial Coin Offering, ou émission de jetons numériques) pour financer la succursale et proposer son expertise aux jeunes pousses romandes. A bord, 15 membres d’équipage – experts ès numérisation et blockchain ou financiers – dont les deux «capitaines» et cofondateurs de Trecento, le frère et la sœur Lhabouz: Adrien et Alice.

De passage à Genève lundi, Alice Lhabouz (37 ans) est encore à la recherche d’un espace de 300 m2 qui pourrait accueillir la «société sœur» de Trecento et ses employés (un mélange d’expatriés et de nouvelles embauches locales). Pour l’instant, la filiale est domiciliée dans son cabinet d’avocats Ochsner & Associés.

La Française évoque déjà un «accueil très favorable» de la part de la promotion économique locale, qui lui a permis de rencontrer rapidement un «écosystème très fourni». Genève était en concurrence avec Monaco comme site d’implantation.

Actions, obligations et… cryptoactifs

Trecento, 200 millions d’euros sous gestion (232 millions de francs), gère les avoirs d’institutionnels souhaitant investir dans la santé ou la robotique. Alice Lhabouz voit dans les cryptoactifs une évolution normale pour la société fondée il y a sept ans: «2018, c’est l’année de la réglementation pour les ICO. Et c’est aussi l’arrivée des investisseurs traditionnels dans cette catégorie d’actifs.»

Et Genève est un lieu plus rassurant que Zoug, du point de vue des fonds de pension et autres assureurs, selon cette ancienne de l’Autorité des marchés financiers français. «C’est un endroit stable et régulé, au croisement de flux financiers internationaux.» Voilà pour le premier étage de la fusée.

«Fédérer» la communauté ICO

Car le développement de la société – qui prévoit d’employer jusqu’à 50 personnes à Genève d’ici à trois ans – est conditionné à la réussite de son ICO. Dès le 1er juin, Trecento émettra ses propres jetons numériques, destinés à récolter 20 millions d’euros afin de financer le développement de sa nouvelle filiale. «Une ICO, c’est avant tout une opération de communication et de marketing pour fédérer la communauté», précise celle qui est également chroniqueuse chez le média français BFM Business. Une visibilité qui lui a notamment permis d’asseoir la notoriété de sa société dont le nom évoque la pré-Renaissance italienne.

Trecento ne vient pas uniquement pour profiter de l’appel d’air autour de la cryptofinance. Elle compte aussi participer au mouvement: «Nous voulons être un facilitateur pour les investisseurs, et créer un cercle vertueux dans la région», prévoit encore la cofondatrice de la société. La nouvelle filiale Trecento Blockchain Capital souhaiterait par exemple proposer ses services en matière d’ICO aux jeunes pousses locales. «Nous visons une approche à 360 degrés», soutient Alice Lhabouz qui songe à un partenariat avec un incubateur établi comme le Fongit.

Trecento cherche, par ailleurs, à financer différents fonds destinés aux projets numériques (ICO, cryptotrading, capital-risque et fonds de fonds). Des contacts sont en cours avec deux acteurs institutionnels, confie-t-elle.

Genève lance son tutoriel pour ICO

La course aux ICO (Initial Coin Offering) bat son plein dans le monde des fintechs. Le canton de Genève, qui cherche à se profiler en «Blockchain Valley», a lancé lundi un guide spécifique pour ces émissions de jetons numériques. Objectif: positionner Genève en tant que meilleure rampe de lancement, mais aussi écarter les mauvais projets.

Concrètement, la direction générale du développement économique, de la recherche et de l’innovation (DG DERI) a rédigé un catalogue décrivant les contraintes juridiques, les étapes clés pour initier une ICO et comment «qualifier» ses jetons selon différentes catégories (paiement, utilité, investissement, etc.) déjà définies par la Finma.

Fiscalité et garde-fous

Devant le grand intérêt porté à la Suisse – quatre des dix plus grandes ICO ont eu lieu sur son territoire –, le gendarme des marchés financiers a aussi rédigé son propre guide pratique en février 2018. Mais le canton de Genève va plus loin en évoquant le traitement fiscal réservé aux différents jetons. Notamment avec la possibilité de défiscaliser certains types de jetons pendant plusieurs années, en les considérant comme des dépenses de Recherche et développement (R&D). «Genève pourra désormais exposer plus clairement les avantages à réaliser des ICO dans le canton», a résumé le président du Conseil d’Etat Pierre Maudet, cité dans le communiqué, qui évoque une «fiscalité favorable».

Le canton, qui veut toutefois éviter d’attirer des projets douteux, a en parallèle mis en place un comité d’experts locaux issus de domaines bancaires, juridiques, techniques ou fiscaux. Leur mission? Maintenir à jour les connaissances dans le secteur très mouvant des ICO mais surtout guider les entrepreneurs dans leurs démarches. Et, par la même occasion, rassurer les investisseurs qui souhaiteraient investir dans ce nouveau produit. (A.B.C)