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Le Trésor américain pourrait garantir les microcrédits du genevois Blue Orchard

La décision de Washington de supporter la microfinance, attendue le 29 avril prochain, pourrait donner un coup de fouet à ce secteur. La société lancerait ainsi, dès le mois prochain, avec JP Morgan et DW Markets, le tout premier emprunt obligataire garanti par un Etat.

Une jeune pousse financière genevoise, Blue Orchard, pourrait prochainement participer à une petite révolution dans le monde de l'aide au développement avec un partenaire pour le moins inattendu: l'administration Bush. Le 29 avril prochain, l'Overseas Private Investment Corp. (OPIC), une agence du Trésor américain active dans le développement, devrait dire si oui ou non elle apporte sa garantie à une émission obligataire de l'ordre de 46 millions de dollars que Blue Orchard destine au financement de ses opérations de microcrédit dans les pays en développement. Blue Orchard, une société fondée en 2001, dirige les fonds que lui confient des investisseurs occidentaux vers des banques vietnamiennes, indiennes ou colombiennes qui octroient des crédits de quelques dizaines à quelques centaines de dollars à des entreprises trop petites pour intéresser les banques commerciales de leur pays.

Un rendement supérieur

La garantie du Trésor américain conférerait à cette émission obligataire, la première du genre, la même note AAA attribuée à la dette publique des plus grands pays occidentaux. Son rendement pourrait être de 50 points de base supérieur à ceux des bons du Trésor de maturité correspondante (sept ans), soit environ 4,5%. L'écart est appréciable en ces temps de bas taux d'intérêt. Il pourrait s'ensuivre un afflux de fonds vers ce segment encore peu couru des investisseurs parce que trop exotique. Le microcrédit subventionné par des organismes d'aide au développement, la Banque mondiale par exemple, existe depuis longtemps et compte à son actif de nombreux succès. Cependant, sa viabilité à long terme pour des intervenants à but lucratif demeure à prouver.

Jusqu'à présent, la rareté de l'argent a été un gage de qualité. Des sociétés comme Blue Orchard pouvaient prêter aux meilleures banques locales qui avaient les coudées franches pour sélectionner les meilleurs emprunteurs. Par exemple, le fonds de placement que Blue Orchard gère depuis trois ans pour le compte du néerlandais Dexia n'a connu aucun défaut et a dégagé 5% de rendement annuel tous frais compris. La demande de crédit de la part des entrepreneurs dans les pays en développement serait immense, mais la crainte qu'une croissance trop rapide du secteur ne s'accompagne d'une baisse de la qualité et des rendements était de nature à refroidir les investisseurs du Nord. De leur point de vue, la garantie du Trésor américain changerait radicalement la donne. De son côté, l'administration Bush inaugurerait avec cette mesure un type d'aide au développement entièrement remis aux forces des marchés. Elle en espère un effet multiplicateur maximal, puisque 120 000 sociétés ou entrepreneurs pourraient bénéficier de l'emprunt que Blue Orchard pourrait émettre dès le mois prochain.

Le succès de l'opération n'est pas encore acquis. Outre la décision finale de l'OPIC, Blue Orchard devra trouver preneurs pour 20 millions environ de titres non garantis. Cette tâche délicate a été confiée à la société DW Markets. Ces titres feront office de partie subordonnée, c'est-à-dire qu'ils ne seront honorés qu'après remboursement des obligations garanties. Ils seront les premiers à essuyer les défauts de paiement. C'est un risque difficile à assumer de la part des investisseurs. Ce montage limite, en cas de succès, les possibilités de réitérer l'opération et réduit fortement l'engagement du Trésor américain.