Les options qui s’offrent jusqu’au 31 décembre

Le programme de régularisation mis au point par le Département américain de la justice (DoJ) crée quatre catégories entre lesquelles les banques seront réparties (l’accord exclut les assurances).

La première regroupe les banques qui font déjà l’objet d’une enquête du DoJ. Ces banques sont exclues du programme. La procédure les concernant suivra son cours et devrait, sauf mauvaise surprise, se terminer par un accord extrajudiciaire (Deferred Prosecution Agreement), avec des amendes à la clé mais sans inculpation. Selon les chiffres donnés vendredi par la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf, ce ne sont plus 12* mais 14 banques, abstraction faite de deux banques qui n’existent plus, qui ont affaire au DoJ. Deux banques de plus ont donc été impliquées récemment, mais Berne se refuse à les identifier nommément, laissant seulement entendre qu’il s’agit de petits établissements.

Les banques qui n’ont pas été inquiétées jusqu’ici mais pensent que leur activité n’est pas exempte d’irrégularités pourront s’annoncer, d’ici au 31 décembre, pour figurer dans la deuxième catégorie. Ces banques devront s’engager à fournir des informations très détaillées sur le volume de leurs affaires avec des contribuables américains, et le nombre de comptes existant au 1er août 2008, ouverts entre cette date et le 28 février 2009, ou après le 28 février 2009. Le nombre de comptes bouclés ainsi que la banque à laquelle le solde a été viré devront aussi être annoncés. De même que l’identité de tout collaborateur, conseiller externe, avocat ou fiduciaire ayant joué un rôle dans la relation bancaire. Ces informations devront être validées par un audit externe. A ces conditions, le DoJ renoncera à toute poursuite (Non Prosecution Agreement).

Les banques qui pensent n’avoir rien à se reprocher formeront la troisième catégorie. N’y entrera pas qui veut. Un audit externe, là aussi, devra attester que la banque n’a pas violé les lois fiscales américaines. La banque sera alors formellement mise hors de cause (Non-Target Letter).

Les banques dont l’activité est purement locale, au sens de l’accord FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act) signé par la Suisse en février dernier, seront blanchies d’office, à condition que leur statut de banque locale soit certifié, également par un audit externe.

Un rattrapage possible

Les banques qui se sont annoncées en catégorie 3 mais dont les autorités américaines devaient découvrir qu’elles ont commis des ­irrégularités pourront repasser sans pénalités supplémentaires en catégorie 2 à condition de prouver qu’elles n’ont pas trompé délibérément le DoJ. Cette clause «passerelle» a fait l’objet de discussions acharnées, et Washington a cherché à la supprimer après l’échec, en juin, de la Lex USA au parlement, a expliqué la ministre des Finances.

Pas d’obligation de participer

Dans tous les cas, une banque n’est pas obligée d’entrer dans le programme et d’opter entre les catégories 2, 3 ou 4. Elle peut choisir de rester totalement en dehors, mais à ses risques et périls. Au vu des difficultés que les Suisses ont éprouvées pour maintenir la clause passerelle, on peut présumer que le DoJ fera preuve de peu de tolérance pour ces banques.

Des amendes échelonnées

Le taux forfaitaire des amendes qui seront infligées aux banques de la catégorie 2 sera calculé de manière différente selon la période à laquelle le compte a été ouvert. Il sera de 20% pour les comptes ouverts avant le 1er août 2008, de 30% pour ceux qui l’ont été entre août 2008 et fin février 2009, de 50% après, les manquements aux lois américaines devenant de plus en plus inexcusables à mesure que les milieux bancaires, puis le grand public, ont pris connaissance de l’affaire UBS. L’idée d’échelonner les amendes correspond à une revendication de la partie suisse, a relevé Eveline Widmer-Schlumpf. L’échec de la Lex USA n’a pas eu d’influence.

Ce que la Suisse a pu sauvegarder

Satisfaite d’avoir au moins obtenu «un résultat», Eveline Widmer-Schlumpf a quand même dû confesser que les négociations avaient été «très dures». Mais pour elle, l’essentiel a pu être sauvegardé. L’accord respecte le droit en vigueur et le Conseil fédéral n’a pas dû recourir au droit d’urgence. La souveraineté suisse est donc respectée.

Les juristes nuanceront. En principe, une information réclamée par un Etat à un autre Etat pour le besoin de ses procédures doit suivre le chemin de l’entraide administrative ou judiciaire. Tel ne sera le cas que pour l’identité des clients eux-mêmes, secret bancaire oblige. Pas pour celle des collaborateurs, qui gardent la possibilité de saisir la justice civile. Les décisions que les tribunaux pourront être amenés à prendre sous l’angle de la protection des données ou du droit du travail représentent l’une des grandes incertitudes qui pèsent sur le programme américain.

La ministre des Finances s’est par ailleurs félicitée du fait que la solution trouvée ne contienne aucune clause rétroactive.

Là aussi, une nuance s’impose. Car le nouvel accord de double imposition avec les Etats-Unis, dont l’entrée en vigueur est toujours paralysée par le Sénat, permettra d’obtenir, sur la clientèle américaine des banques suisses, des informations remontant à la date de la signature, en septembre 2009. Les autorités américaines pourront par ailleurs utiliser ces informations dans des procédures portant sur des périodes fiscales antérieures à 2009, sans qu’aucune limite ne soit fixée dans le temps.

De nouvelles inculpations pas totalement exclues

Il n’y aura pas de nouvelles inculpations de banques suisses jusqu’à la fin de l’année, ni pour celles qui sont déjà sous enquête du DoJ, ni pour d’autres. Si elles collaborent dans la mesure exigée par le programme américain, les banques de la deuxième catégorie échapperont définitivement à une inculpation. Dans le cas contraire, Eveline Widmer-Sclumpf n’a pas exclu que les autorités américaines puissent être amenées à recourir à l’arme de l’indictment, passé la trêve conclue jusqu’à la fin de l’année.

La Lex USA aurait-elle été meilleure?

La situation aurait été «plus claire» avec la Lex USA refusée par le parlement, a dit Eveline Widmer-Schlumpf. La Lex USA aurait donné une base légale à la transmission des noms de collaborateurs et de tiers, réduisant les risques d’un blocage du programme par des décisions de tribunaux en Suisse.

Le DoJ peut-il retirer son programme?

Oui. En particulier si des obstacles juridiques empêchent une mise en œuvre effective du programme par la partie suisse, Washington s’est réservé le droit de retirer celui-ci. Ces obstacles pourraient tenir à l’éventuel blocage par la justice, à grande échelle, de la transmission des noms des collaborateurs et d’autres tiers. Le DoJ appréciera lui-même, souverainement, si le programme a pu être respecté, mais il n’y mettra pas un terme avant d’avoir consulté Berne. Eveline Widmer-Schlumpf ne paraissait pas trop inquiète vendredi sur ce point. Des banques pourront en outre être individuellement exclues du programme si elles n’en respectent pas les règles.

* Banque Cantonale de Bâle, Banque Cantonale de Zurich, Credit Suisse, Julius Baer, Hapoalim, HSBC Suisse, LLB, Leumi, Mizrahi, Neue Zürcher Bank, Pictet, Wegelin.