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Twitter, Facebook et Instagram crachent sans vergogne sur leurs utilisateurs

OPINION. Twitter rend payant la double authentification par SMS, Meta fera payer pour authentifier son compte: deux décisions qui vont causer d’énormes dégâts

Image d'illustration. — © Andreas Prott - stock.adobe.com
Image d'illustration. — © Andreas Prott - stock.adobe.com

Nous vivons sans doute un moment capital dans l’histoire des réseaux sociaux: le passage à des plateformes payantes. Ou, plus précisément (plus perfidement, devrais-je dire), à des réseaux à deux classes. La première sera réservée à ceux qui peuvent payer pour s’octroyer plein d’avantages, y compris, celui, capital, de la sécurité. La deuxième sera dévolue à la plèbe, aux utilisateurs qui seront simplement le jouet des annonceurs, sans vouloir, en plus, payer pour un abonnement.

Ces dernières heures, Twitter et Meta, maison mère de Facebook et Instagram notamment, ont fait des annonces qui méritent d’être décortiquées. Commençons par Twitter. Vendredi, le réseau social dirigé par Elon Musk a surpris les observateurs avec cette nouveauté: l’impossibilité, dès mi-mars, d’utiliser gratuitement la double authentification par SMS. Jusqu’à présent, il était possible de sécuriser son compte ainsi: lors de chaque connexion, en plus du mot de passe enregistré, l’envoi d’un code par SMS permettait d’être certain que personne d’autre ne pouvait utiliser son compte.

Sécurité… payante

Dès lors, Twitter imposera de s’abonner à son service Twitter Blue pour sécuriser son compte. Il faudra ainsi débourser environ 10 francs – cet abonnement a été lancé dans une dizaine de pays, mais pas encore en Suisse – pour renforcer sa sécurité. A l’heure des campagnes massives de vol de données, au moment où les géants de la tech devraient aider les utilisateurs à mieux protéger leurs données en ligne, Twitter rend un système de sécurité élémentaire payant. C’est affligeant. Sans doute Elon Musk veut-il ainsi accroître le nombre d’abonnés à Twitter Blue. Heureusement, celles et ceux qui refusent de céder à ce chantage à la sécurité peuvent encore disposer de deux options (pour le moment) gratuites de double authentification: employer une application d’authentification ou une clé de sécurité.

Et Meta vint au payant

Intéressons-nous maintenant à Meta. Dimanche soir, son directeur Mark Zuckerberg a annoncé le lancement de l’abonnement Meta Verified: ce service offrira quatre nouveautés pour les utilisateurs d’Instagram et de Facebook. D’abord, ils pourront faire vérifier (certifier) leur compte, afin d’obtenir un badge bleu assurant qu’ils sont bien la personne qu’ils prétendent être en ligne. Ensuite, Mark Zuckerberg a assuré que leur compte sera mieux protégé contre le risque d’usurpation de l’identité grâce à une surveillance dite «proactive».

Troisième avantage, la possibilité, en cas de souci, de s’adresser directement à des employés du service clients. Enfin, les messages, photos et vidéos des utilisateurs ainsi certifiés seront mieux relayés que les autres, en apparaissant en tête des résultats de recherche. Le tout pour un prix mensuel entre 11 et 14 francs, et un lancement progressif en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux Etats-Unis, puis partout ailleurs.

Risque de déclassement

Passons le fait que cet abonnement contredit la promesse faite jadis par Mark Zuckerberg que ses services seraient toujours gratuits. Relevons plutôt que, comme Twitter, Facebook et Instagram rendent payant un système de sécurisation des comptes qui devraient à notre sens être inclus dans l’offre de base. Rendre leurs plateformes plus sûres devrait être élémentaire et gratuit, cela va aussi dans l’intérêt de ces réseaux. Or cela devient payant. C’est absurde et dangereux. Il en va de même pour le fait de joindre le service clients en cas de problème: depuis quand une entreprise rend-elle cette prestation payante?

Relevons aussi le risque, pour celles et ceux qui refusent de payer, de se voir totalement déclassés sur ces plateformes: leurs contenus seront sensiblement moins visibles. Mais les utilisateurs n’en auront jamais vraiment la certitude ou auront de la peine à le mesurer. Dans le doute, certains seront évidemment enclins à payer.

Une double peine

Il faut aussi ajouter que les abonnés aux nouvelles offres de Facebook et Instagram ne verront pas le flux de publicité tarir. Quant à ceux de Twitter Blue, ils ne bénéficieront que d’une division par deux des publicités affichées. Il y a donc un risque de double peine: ouvrir le porte-monnaie tout en demeurant le produit des annonceurs…

Jusqu’à présent, les services étaient gratuits car nous étions le produit. Nous restons le produit, mais les services deviennent payants…

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