Uber veut s’imposer via tous les moyens de transport
Transport
Trottinettes, vélos, métro… Le spécialiste des voitures avec chauffeur multiplie les nouvelles offres de transport afin d’offrir une alternative à la voiture individuelle, toujours reine aux Etats-Unis

En ouvrant l’application Uber à San Francisco, les clients de la société californienne ne peuvent plus seulement commander une voiture avec chauffeur. Ils peuvent également débloquer un vélo électrique pour une demi-heure et louer une voiture pour une heure ou quelques jours. Bientôt, ils auront également accès à des trottinettes électriques et pourront acheter des tickets de bus.
Notre objectif est de permettre à nos utilisateurs de pouvoir satisfaire tous leurs besoins en matière de transport en ouvrant notre application
Ces nouveaux services s’inscrivent dans le cadre d’une nouvelle stratégie de diversification, impulsée par Dara Khosrowshahi. Le directeur général du groupe, nommé en août 2017, veut se positionner sur l’ensemble de l’offre de transport, reconnaissant implicitement que son offre de location de voitures avec chauffeur n’est pas adaptée à tous les types de trajets.
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Pour son patron, Uber doit ainsi permettre à ses clients de choisir l’option la plus rapide ou la moins chère, que ce soit une voiture, un vélo, une trottinette ou les transports en commun. «Notre objectif est de permettre à nos utilisateurs de pouvoir satisfaire tous leurs besoins en matière de transport en ouvrant notre application», indique Andrew Salzberg, son directeur de la politique de transport et de la recherche.
Projets embryonnaires
Les projets de l’entreprise californienne restent encore embryonnaires. En avril, elle a racheté Jump, une start-up qui permet de louer depuis un smartphone des vélos électriques «flottants», c’est-à-dire sans les traditionnelles bornes de stationnement. Cela présente un avantage de taille: des coûts de déploiement et de maintenance moins élevés. Le service est aujourd’hui disponible dans une dizaine de villes américaines. Fin septembre, Uber a lancé sa première offre de trottinettes dans la ville côtière de Santa Monica au nord de Los Angeles.
La société vise le marché des trajets courts, qui lui échappe encore. «Pour les faibles distances, il est plus logique d’utiliser un vélo ou une trottinette que de commander une voiture, aussi bien en termes de prix que de temps», souligne Andrew Salzberg. Le marché est déjà très concurrentiel, avec une demi-douzaine de services aux Etats-Unis. Mais Uber mise sur son image de marque et sur l’expérience accumulée grâce à sa plate-forme de location de voitures avec chauffeur.
Victime de sa mauvaise réputation
Le groupe fait face à un autre obstacle: la réticence des autorités. De plus en plus de villes américaines commencent à réguler le secteur, limitant le nombre d’offres autorisées et le nombre d’appareils en circulation. Uber n’a ainsi pu déployer que 500 bicyclettes à San Francisco et 250 trottinettes à Santa Monica. «Nous tentons de convaincre qu’il faut augmenter ces quotas», reconnaît Andrew Salzberg. En outre, l’entreprise est parfois victime de sa mauvaise réputation: à San Francisco, elle n’a pas obtenu le permis nécessaire pour pouvoir pour lancer son service de trottinettes.
Pour atteindre son objectif, Uber mène aussi deux changements radicaux de philosophie. D’abord, la société ne se contente plus de mettre en relation des chauffeurs et des passagers. Elle possède désormais des vélos et des trottinettes, ce qui nécessite une logistique nouvelle. Ensuite, elle souhaite se transformer en plateforme ouverte à d’autres entreprises. Dara Khosrowshahi entend ainsi devenir l'«Amazon des transports», en référence aux marchands extérieurs qui vendent leurs produits sur le célèbre site commerçant américain.
De nouvelles alliances
Cette nouvelle approche suscite cependant des interrogations: en juillet, Uber a noué un partenariat avec Lime, un service de location de vélos et de trottinettes électriques. Et donc un rival potentiel. Les responsables de la société n’excluent pas d’autres alliances similaires avec d’autres acteurs du marché. «Nous étudions différents modèles», explique Andrew Salzberg.
L’ouverture vers l’extérieur doit, par ailleurs, permettre d’étendre l’offre plus rapidement en s’appuyant sur des services déjà existants. Ainsi, le groupe californien s’est associé avec Getaround, une plateforme de location de voitures entre particuliers, et Masabi, une application britannique de vente de billets de bus et de métro. Ces deux offres demeurent pour le moment en phase de tests. «Tout ne va pas fonctionner», admet cependant le directeur de recherche d’Uber.
A plus long terme, la société promet d’intégrer les différents modes de transport au sein d’un même trajet. Par exemple, ses utilisateurs pourront prendre une voiture pour se rendre au métro, puis un vélo pour finir leur trajet. «Il faut aujourd’hui utiliser des applications différentes. Nous souhaitons simplifier ces trajets», indique Andrew Salzberg.
Alternative à la voiture individuelle
Avec cette nouvelle stratégie, Uber rêve toujours de devenir une alternative à la voiture individuelle, qui «représente encore 90% des kilomètres parcourus aux Etats-Unis», note Andrew Salzberg. La précédente direction misait uniquement sur une baisse drastique du prix des courses, en particulier grâce au développement des véhicules autonomes. Pas suffisant pour véritablement se substituer à une voiture, estime aujourd’hui Uber.
Cette nouvelle stratégie intervient à un moment charnière pour l’entreprise, qui espère mener son introduction en bourse en 2019. En outre, Dara Khosrowshahi s’est engagé à atteindre la rentabilité avant la fin de l’année 2022, alors que les pertes ont atteint 4,5 milliards de dollars en 2017. Pour réduire son déficit, Uber vient de céder ses activités en Chine, en Asie du Sud-Est et en Russie, afin de concentrer ses investissements dans les pays où sa position est plus favorable.
Ces nouvelles activités doivent également permettre de compenser la croissance moins forte que prévu des plateformes de location de voitures avec chauffeur. Selon le site spécialisé The Information, les dirigeants d’Uber auraient nettement abaissé leurs prévisions pour le marché américain. Ils doivent donc désormais trouver de nouvelles sources de chiffre d’affaires.