C’est une amende cumulée record dans une affaire de cartel, a assené Joaquin Almunia, commissaire européen chargé de la Concurrence. Mercredi, lors d’une conférence de presse à Bruxelles, l’Espagnol a dévoilé les montants des amendes et les noms des banques concernées dans l’enquête sur les manipulations du Libor.

Six établissements, dont cinq banques (Deutsche Bank, Société Générale, RBS, Citigroup et JP Morgan) et un courtier (RP Martin), coupables d’entente, se sont partagé au total 1,7 milliard d’euros (2,1 milliards de francs) d’amendes. L’exécutif européen avait lancé deux enquêtes, l’une concernant des manipulations de l’Euribor, le taux d’intérêt de référence en euro, et l’autre le Tibor, le même outil en yen.

Ces sanctions viennent s’ajouter à celles déjà infligées par les autorités financières américaines, britanniques et suisses dans le scandale du Libor. Plusieurs grandes banques ont été condamnées ou sont encore soupçonnées de s’être entendues pour manipuler ces taux d’intérêt qui servent de référence à des centaines de milliards de dollars de produits financiers, dont des hypothèques. Les taux Libor correspondent aux taux auxquels les banques pensent pouvoir se prêter entre elles. UBS a ainsi déjà dû s’acquitter il y a un an de 1,4 milliard de francs. Barclays, Rabobank et RBS ont aussi déjà été punies.

Les conclusions du travail de la Commission contraignent Deu­tsche Bank à débourser le plus gros montant (725 millions d’euros). Société Générale (446 millions) et RBS (391 millions) suivent. Certaines banques, dont ces trois dernières, ayant coopéré à l’enquête, ont bénéficié d’une remise de 10%. Les investigations se poursuivent, car certaines banques ont refusé de se conformer à l’accord concernant l’Euribor. Il s’agit notamment de Crédit Agricole et de HSBC.

Seule banque suisse du lot, UBS était, elle, concernée par l’enquête sur le Tibor. Ayant révélé l’affaire aux autorités, elle a bénéficié d’une immunité complète. Selon le communiqué de la Commission européenne, elle échappe ainsi à une amende de 2,5 milliards d’euros (3,07 milliards de francs). Citigroup a également évité une sanction et, dans le volet Euribor, c’est Barclays qui a été dispensée.

Le montant total articulé par Bruxelles a d’emblée suscité des interrogations, certains observateurs le jugeant trop faible pour changer les comportements des établissements fautifs. Mario Mariniello, chercheur de l’institut Bruegel à Bruxelles, estime qu’il est impossible de juger si les chiffres sont appropriés sans connaître les informations confidentielles qu’ont eues les enquêteurs. Interrogé sur la question, Joaquin Almunia a considéré qu’il s’agissait de «pénalités très élevées» au vu de la gravité de l’affaire et qui permettent «à la fois de punir et de dissuader» les banques de recommencer. Le calcul prend en compte le montant des «ventes» – en l’occurrence difficile à calculer dans le contexte par exemple de produits dérivés, a admis le commissaire –, la durée du cartel et sa gravité. Mario Mariniello ajoute toutefois une dimension à ce calcul: la probabilité que le cartel soit découvert. «Plus elle est faible, plus le montant devrait être élevé», explique-t-il.

Dans un communiqué, Deu­tsche Bank a souligné que «cet accord est à mettre en relation avec des pratiques passées d’individus en complète violation des valeurs et croyances de la banque». Société Générale assure également qu’il s’agit «essentiellement d’un salarié qui a quitté l’entreprise».

«Plus la probabilité de découvrir le cartel est faible, plus le montant de l’amende devrait être élevé»