L’affaire révèle un aspect méconnu des activités américaines d’UBS. Non contente de fournir ses solutions financières et fiscales «taillées sur mesure» à une clientèle nord américaine – en clair des comptes suisses masqués au nom de sociétés écran au Liechtenstein ou dans les îles Caïmans –, une division de la banque s’était spécialisée, dès 2002, dans la gestion offshore de riches latino-américains depuis les Etats-Unis.
Filiale discrète basée dans un quartier excentré de Miami, UBS International (UBSI), affichait 115 milliards de dollars sous gestion en 2008. Des fonds en partie non déclarés dans les pays d’origine de leurs détenteurs, exclusivement latino américains, et donc en dehors de la juridiction de l’IRS. Voilà pour la théorie. En pratique, une douzaine de plaintes de clients lésés par les investissements risqués d’UBSI ont révélé que la division gérait également les avoirs de clients certes originaires d’Amérique latine, mais établis aux Etats-Unis et contribuables américains.
Le système de commissions mis en place en 2003 visait expressément la clientèle d’UBSI dont les gérants se voyaient offrir une prime s’ils parvenaient à vendre des comptes en Suisse à leur clientèle. La présentation interne obtenue par Le Temps va jusqu’à indiquer le profil du client idéal. Selon cet exemple, un «client brésilien» d’UBSI à Miami cherchant à maintenir une «diversification internationale» tout en profitant d’une «sécurité et d’une discrétion accrue» est dirigé vers UBS Suisse où «ses objectifs peuvent être atteints». Avantage: le gérant d’UBSI touche une commission sur les fonds redirigés vers la Suisse et le client se voit offrir des prestations qu’UBSI «n’aurait pas pu lui offrir en tant qu’entité enregistrée aux Etats-Unis». Les informations relatives à ces transferts étaient centralisées depuis un bureau dédié à Weekhaven, dans le New Jersey, qui versait les commissions aux gérants.
Le système devait aussi permettre le transfert des fonds vers UBS dans le cas où le client serait déjà titulaire d’un compte dans une banque concurrente en Suisse. S’adressant aux gérants, la présentation précise qu’un des buts est par exemple «d’attirer les avoirs d’un client de Credit Suisse à Zurich, vers UBS, Zurich». Selon ce même document, le système aurait permis une soixantaine de transferts pour un montant de plus de 200 millions de dollars dans les trois premiers mois suivant son introduction.
Dans un document soumis fin juin à la Cour de Miami, les avocats d’UBS ont admis que «suite à l’intérêt porté par le gouvernement américain aux dossiers détenus par le Global Referral Desk de Weekhaven, New Jersey», la banque a analysé des «milliers d’e-mails et de documents» pour retrouver la trace de ces transferts. Or il s’avère que le personnel de ce bureau n’a «pas systématiquement» maintenu les informations demandées aujourd’hui par l’IRS, selon UBS. En conséquence, aucune donnée n’a pu lui être transmise sur ces ouvertures de comptes. La réponse suggère que ces informations ont en fait été rapatriées en Suisse et devront faire partie d’un accord attendu entre les autorités suisses et américaines sur les modalités de leur livraison à l’IRS.