Un échec à Copenhague provoquerait une grave crise énergétique
prévisions
Faute d’accord, le réchauffement de la planète atteindra six degrés et les prix du pétrole s’envoleront, estime l’Agence internationale de l’énergie. Des investissements colossaux sont par ailleurs inévitables
Le monde se dirige vers une grave double crise énergétique si un accord n’est pas trouvé à Copenhague, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Dans son rapport annuel présenté mardi, l’AIE avertit que le prix de l’inaction serait non seulement un réchauffement hors de contrôle de la planète, mais aussi une envolée des prix de l’énergie.
«Nous nous dirigeons vers un réchauffement de la planète de six degrés si rien n’est fait», avertit Nobuo Tanaka, le directeur général de l’AIE. En comparaison, l’objectif affiché pour les discussions de Copenhague est de limiter la hausse de la température à deux degrés.
Investissements colossaux
L’AIE estime que la consommation internationale d’énergie, malgré un recul en 2009 – la première année de baisse depuis 1981 – va repartir à la hausse dès 2010. Si rien n’est fait, celle-ci fera un bond de 40% d’ici à 2030. L’immense majorité de cette progression (plus de 90%) viendra des pays émergents, dont plus de la moitié provenant de Chine et d’Inde. Sans accord à Copenhague, les trois quarts de cette demande seront fournis par de l’énergie fossile (pétrole, charbon, gaz…).
Pour éviter ce scénario noir, l’AIE appelle à une «profonde transformation du secteur de l’énergie», qui est responsable à lui seul de 84% des émissions de CO2. Mais ce changement sera cher: il nécessiterait 10 500 milliards de francs d’investissement supplémentaire d’ici à 2030, presque l’équivalent du PIB américain sur un an.
C’est pour rendre ces investissements inévitables qu’un accord à Copenhague au début décembre est nécessaire. Les négociations doivent en particulier décider de la façon dont les pays développés – responsable de la grande majorité des émissions historiques de gaz à effet de serre – aideront les pays émergents. Or, le week-end dernier, les pays du G20 réunis en Ecosse sont restés sur un constat d’échec sur ce point. Les négociations à Copenhague doivent aussi aboutir sur un mécanisme pour le prix de la tonne de CO2: selon l’AIE, celui-ci doit atteindre 50 francs d’ici à 2020 pour être efficace (et 110 francs d’ici à 2030), alors qu’il tourne à seulement 20 francs actuellement en Europe.
L’urgence d’un accord à Copenhague n’est cependant pas limitée au changement de climat. L’AIE craint aussi un nouveau choc pétrolier. La crise a en effet provoqué une baisse de 19% des investissements dans l’exploration de pétrole et de gaz. «Cela pourrait mener à un nouveau pic des prix du pétrole dans quelques années, au moment où la demande sera en pleine reprise, et cela apporterait une nouvelle limite à la croissance économique», note l’AIE. Cette prévision est d’autant plus inquiétante qu’elle vient d’une organisation qui surestimerait volontairement les réserves mondiales de pétrole, selon un responsable de l’AIE cité anonymement par le Guardian lundi. L’AIE rejetait hier ces accusations.
«Il y a urgence»
Quoi qu’il en soit, un accord à Copenhague, réduisant la dépendance envers les hydrocarbures, pourrait limiter une envolée des prix. L’Agence table sur un baril à 190 dollars d’ici à 2030, mais seulement à 115 dollars en cas d’accord à Copenhague. Le sommet, qui débute dans moins d’un mois, place donc le monde face à une situation urgente, selon l’AIE. «Avec chaque année qui passe, la fenêtre d’opportunité se réduit et le coût de l’inaction augmente», conclut Nobuo Tanaka.