«Climate neutral commodity». Ainsi s’appelle le label encourageant la transition énergétique parmi les négociants et qui a été présenté jeudi à Genève. Cette initiative, lancée par deux professionnels du secteur, Paul Sébastien et Christophe Riedi, «offre une solution pour calculer et compenser l’empreinte d’une transaction de matières premières», selon un communiqué.

«Le label est indépendant, vérifié et audité», souligne Paul Sébastien, qui collabore dans ce cadre avec des groupes comme SGS et KPMG et vise à réduire les émissions du secteur selon l’Accord de Paris. «Nous avons une vision, celle de rendre le secteur neutre en carbone. Il y a d’autres initiatives mais elles ne sont pas vérifiées. Nous amenons de la transparence et de la vérification.»

«Eliminer directement toute émission polluante»

L’initiative offre une solution de mesures et de compensation de l’empreinte carbone d’une transaction, de la production à la livraison en contrôlant un maximum de données sur la chaîne logistique. Les opérations qui n’émettent pas de carbone bénéficieront du label. «Dans un premier temps, on promouvra l’insetting [la compensation carbone par le biais de certificats, ndlr], mais à terme nous voulons de l’offsetting, éliminer directement toute émission polluante», indique Paul Sébastien. Les négociants doivent payer pour obtenir le label.

Ils ne restent pas les bras croisés face à la pression croissante (réglementaire, des investisseurs et des clients) sur la question climatique. En septembre, Total a livré sa première cargaison neutre en carbone, de gaz naturel liquéfié, et grâce à des compensations, entre l’Australie et le terminal de Dapeng, en Chine. Fin janvier, le groupe Occidental Petroleum a annoncé une livraison similaire en Inde. Le groupe zougois Glencore a indiqué vouloir être carbone neutre en 2050. Shell a fait de même jeudi.

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Le groupe genevois Trafigura a créé en septembre Nala Renewables, une entreprise pour investir dans des projets solaires, éoliens et de stockage d’énergie. Son premier investissement, en janvier, vise à développer un système de stockage d’énergie par batterie en Belgique. La multinationale a proposé cet automne qu’une taxe sur le carbone soit mise en place sur les carburants marins. La transition de la flotte marchande vers des énergies plus propres a d’ailleurs été évoquée dans un salon à Genève en octobre.

De son côté, le Genevois Gunvor veut consacrer 10% de son capital net à des solutions énergétiques autres que les hydrocarbures. «Nous nous sommes engagés à réduire l’empreinte carbone des produits que nous commercialisons et de nos processus industriels», indique Seth Pietras, son porte-parole. Gunvor ne négocie plus de charbon depuis 2018 et a acheté en décembre deux usines de biocarburants en Espagne. «Des solutions de capture du carbone sont nécessaires pour atteindre les objectifs de zéro émission, étant donné que les hydrocarbures seront toujours une partie nécessaire du futur bouquet énergétique», selon Seth Pietras.

«Une garantie»

Greenwashing? Communication? «Une annonce, ce n’est qu’une annonce même si il y a clairement une tendance vers une transition énergétique. Notre approche vise à garantir que tout est fait selon les meilleurs standards existants», indique Paul Sébastien.

Le label «Climate neutral commodity» bénéficie du soutien de la Commodity Trade Association, le premier réseau du secteur du monde. Parmi ses conseillers figurent des dirigeants de l’industrie, du secteur financier, de sociétés d’audit et de certification.

«Nous sommes ouverts à l'idée de travailler avec ce label», indique Seth Pietras. «C'est une étape importante dans la quantification et la vérification des émissions dans la chaîne d'approvisionnement. Nous soutenons pleinement l'utilisation d'un tel processus», renchérit un porte-parole de Trafigura.


En Afrique, des carburants moins sales

Des pays africains veulent contenir les émanations toxiques issues des carburants qu’ils importent. Depuis le 1er janvier, la limite de teneur en soufre autorisée pour le diesel et l’essence a été abaissée à 50 particules par million (ppm) au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Des tests réalisés en 2020 ont montré que cette valeur pouvait être jusqu’à 60 fois plus élevée dans la région (en Suisse, une valeur de 10 ppm est autorisée). Ces mesures s’accompagnent de nouvelles normes pour les voitures d’occasion importées en Afrique.

Les négociants suisses figurent parmi les principaux vendeurs de carburants dans la région. Dans le Tages-Anzeiger, un représentant de Trafigura se dit «favorable à ce développement». Le groupe genevois y vendrait déjà de l’essence et du diesel à 50 ppm. En 2017, le Ghana a divisé par soixante la teneur en soufre autorisée dans le diesel importé, à la suite de la publication en 2016 d’un rapport de Public Eye. L’ONG suisse alertait sur les teneurs en soufre dans ces carburants, rendues élevées par des lois permissives. Elle se félicite aujourd’hui des nouvelles normes en vigueur en Afrique de l’Ouest.