L’étau se resserre autour de McDonald’s. Dans un nouveau document versé à la Commission européenne qui enquête sur les pratiques fiscales de la multinationale américaine du fast-food, trois fédérations syndicales affirment que cette dernière a évité, en passant par une succursale suisse, jusqu’à 1,5 milliard d’euros d’impôts en 2014 et 2015 en Europe. Elles estiment que le taux effectif d’imposition de la société est tombé ces années-là respectivement à 1% et à 0,7%.

En 2015, dans un rapport précédent publié sous le titre de «Unhappy Meals», les trois organisations avaient révélé que McDonald’s avait pu éviter de payer un milliard d’euros d’impôts entre 2009 et 2013 en Europe. Durant cette période, une structure basée au Luxembourg et ne comptant que 13 salariés avait déclaré des revenus de 3,7 milliards d’euros et payé 16 millions d’euros d’impôts. Cette révélation avait servi de point de départ de l’enquête lancée par Margrethe Vestager, la commissaire européenne chargée de la Concurrence en décembre dernier.

En réponse à la charge, le numéro un mondial de la restauration, avait affirmé qu’il respectait toutes ses obligations légales et qu’il s’était acquitté de 2,1 milliards d’euros entre 2010 et 2014, à un taux moyen d’imposition de 27% sur le revenu imposable.

Plus de 7900 restaurants en Europe

Dans le nouveau document, les trois syndicats démontent la structure qui permet à McDonald’s de payer le moins d’impôts. Ses 7920 restaurants dans 39 pays européens, dont 73% sont franchisés, paient les redevances (franchise, propriété intellectuelle, frais de gestion) à McD Europe Franchising au Luxembourg où la société bénéficie de deux rescrits fiscaux (tax rulings), c’est-à-dire des arrangements où le taux d’imposition est négocié avec le fisc.

«L’argent est ensuite versé sur les comptes de McDonald’s Europe basé à Genève, qui a son tour, effectue un transfert à une holding sis dans l’Etat du Delaware aux Etats-Unis, explique Nadja Salson, porte-parole de la Fédération syndicale européenne des services publics (EPSU). Les recettes générées par les activités européennes du groupe se retrouvent ainsi dans ce paradis fiscal américain. En fin de compte, la multinationale ne paie que peu d’impôts en Europe comme aux Etats-Unis.»

Dans leur conclusion, les trois organisations syndicales estiment que les tax rulings accordés à McDonald’s constituent une forme d’aide d’Etat qu’il convient de récupérer. «Une telle mesure rassurerait les contribuables européens dont la grande majorité – 73% selon une enquête de l’Euro-baromètre – souhaite des actions concrètes pour lutter contre la planification fiscale agressive», ont-elles écrit à la Commission.

Sélective et discriminatoire

A la Commission européenne, la cause est entendue. McDonald’s est dans son collimateur depuis l’an dernier. Le mois dernier, lorsqu’elle a prononcé le verdict d’une enquête similaire contre Apple en Irlande et a ordonné à Dublin de récupérer 13 milliards d’euros d’impôts impayés. La commissaire Margrethe Vestager avait aussi clairement annoncé que McDonald’s allait être la prochaine cible. Le mois dernier, le Financial Times croyait même savoir que le géant américain devrait rembourser 500 millions d’euros au fisc luxembourgeois de façon rétroactive. La décision est attendue pour ces prochains mois.

Outre Apple, la Commission a ouvert des enquêtes approfondies décembre dernier sur les rescrits fiscaux accordés à McDonald’s, Starbucks et Amazon au Luxembourg. Le mois dernier, elle a mis Engie (anciennement GDF Suez) sous investigation. Selon Bruxelles, la multinationale française a aussi bénéficié des dérogations fiscales de façon sélective et discriminatoire.