Pétrole
Ce deuxième sommet de l'année intervient alors que l'entente entre la Russie et l'Arabie saoudite est incertaine et que la reprise de la demande reste fragile et difficile à anticiper avec l'épidémie

Les membres de l'OPEP+ se retrouvent, jeudi en visioconférence (14 heures en Suisse), pour décider des prochaines coupes de production d'or noir. Ce sommet, qui rassemble les vingt-trois membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et leurs alliés, réunis sous la bannière OPEP+, est le deuxième de l'année. Le rythme de rencontres s'est accéléré ces derniers mois en écho à l'ampleur du choc de la pandémie de Covid-19 pour les producteurs de pétrole.
L'entente incertaine entre la Russie et l'Arabie saoudite
La question clé: comment les deux poids lourds, la Russie et l'Arabie saoudite - respectivement deuxième et troisième producteurs mondiaux derrière les Etats-Unis - vont-ils se coordonner face à une demande d'or noir amenée à repartir à mesure que le Covid-19 reflue?
«Il existe au sein de l'alliance une divergence d'opinions majeure sur la capacité du marché pétrolier à absorber de nouveaux volumes» de brut, résume Bjarne Schieldrop, analyste de Seb. Riyad «penche pour la prudence» quand Moscou «défend l'augmentation de l'offre, explique-t-il.
Cette différence d'approche avait été largement gommée depuis près d'un an tant les cours étaient bas, mais le retour en grâce des prix à un niveau comparable à la période précédant la pandémie, soit autour de 65 dollars le baril pour les deux références européenne et américaine, a de quoi accentuer les tensions.
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Mardi, le secrétaire général de l'OPEP Mohammed Barkindo adoptait un entre-deux en évoquant une attitude «optimiste mais prudente» en marge d'une réunion technique du cartel.
Un marché fragile, les vannes ouvertes petit à petit
Car si les perspectives économiques sont meilleures, la vitesse de la reprise de la demande reste soumise à beaucoup d'aléas, dont le succès des campagnes de vaccination qui sont à certains endroits poussives.
Dans son rapport mensuel mi-février, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a jugé que le rééquilibrage du marché pétrolier restait «fragile» en début d'année et avertissait sur la propagation des nouveaux variants du coronavirus.
Lors de son dernier sommet en janvier, l'alliance OPEP+ avait convenu après deux jours d'âpres négociations d'ouvrir petit à petit les vannes jusqu'en mars, usant ainsi avec doigté de son principal pouvoir: jouer du robinet d'or noir pour garder la main sur l'équilibre entre offre et demande.
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La Russie et le Kazakhstan avaient obtenu d'assurer seuls l'augmentation progressive de la production du groupe quand l'Arabie saoudite créait la surprise en réduisant la sienne d'un million de barils quotidiens supplémentaires. Au total, l'alliance laisse sous terre 7,05 millions de barils quotidiens en mars, des coupes qui restent très importantes.
Un sommet avec son lot de rebondissements attendus
Le groupe serait tenté de poursuivre sa politique d'augmentation graduelle de la production, s'accordent nombre d'observateurs de marchés, qui évoquent une quantité de 500 000 barils par jour réinjectée en avril, à laquelle s'ajouterait le retour en partie, voire entier, du million de barils quotidien retiré par Riyad en février et mars.
Mais le consensus n'est jamais acquis au sein de l'alliance qui avait connu à la même époque l'an dernier, avec en toile de fond le début de pandémie, un mélodrame ouvrant sur une courte mais intense guerre des prix.
Surtout que les sujets chauds ne manquent pas: en vrac le respect des quotas par chacun des membres, gage de sérieux et de crédibilité de l'accord, ou la concurrence américaine, qui bénéficie elle aussi du retour en grâce des prix.
Le pétrole accélère après les stocks américains
Les prix du pétrole ont nettement avancé mercredi, après un accès de faiblesse la veille, galvanisés par une chute des réserves d'essence aux Etats-Unis la semaine passée.
Le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en mai a grimpé de 2,19% ou 1,37 dollar à Londres par rapport à la clôture de mardi, à 64,07 dollars. Le baril américain de WTI pour avril s'est apprécié de 2,56% ou 1,53 dollar à 61,28 dollars. La veille, les deux contrats de référence avaient cédé du terrain, le WTI repassant sous la barre des 60 dollars le baril pour la première fois depuis le début de la semaine passée.
Déjà en hausse en début de séance, les prix du brut ont accéléré après la publication par l'Agence américaine d'information sur l'énergie (EIA) de stocks d'essence en chute de 13,6 millions de barils aux Etats-Unis la semaine dernière. Ce volume a suffisamment marqué les esprits pour mettre de côté la hausse globale de 21,6 millions de barils des stocks de brut, soit la plus forte hausse hebdomadaire depuis 1982, rendue publique dans le même rapport.
«Il est peu probable que ces données brossent un tableau fiable étant donnés les arrêts de production massifs dans les champs pétrolifères et les raffineries du Texas, causés par le temps glacial d'il y a deux semaines», a tempéré Eugen Weinberg, analyste de Commerzbank.