Une forte augmentation démographique mais pas d’immigration de masse
Libre circulation
L’initiative de l’UDC contre l’immigration de masse saperait nos accords avec l’UE et remettrait en cause l’une des recettes de la croissance économique de la Suisse. L’immigration européenne est responsable d’un tiers de l’augmentation de la croissance, selon une étude de l’Université de Bâle
L’accord sur la libre circulation des personnes n’a pas déclenché d’immigration de masse, selon le professeur George Sheldon, de l’Université de Bâle.
Certes, on a constaté une forte augmentation de la population étrangère ces quinze dernières années en Suisse, mais cette croissance démographique avait commencé déjà dans les années 1990, sous l’ancien régime des contingents. Lesquels contingents, prévient George Sheldon, n’ont jamais permis de limiter l’immigration.
L’étude commandée par l’Union patronale suisse contredit donc littéralement le titre choisi par l’UDC pour son initiative «contre l’immigration de masse». Laquelle est combattue par son président, Valentin Vogt: selon celui-ci, l’initiative UDC mettrait en péril le modèle économique auquel la Suisse doit son succès. Elle alourdirait les charges administratives des entreprises, serait impraticable et finalement provoquerait une augmentation du chômage.
Auteur de l’étude, le professeur George Sheldon estime infondées les inquiétudes qui sous-tendent l’initiative de l’UDC. La forte augmentation de l’effectif des étrangers en Suisse (+1 million depuis 1991) est due selon lui à l’immigration en provenance des pays du nord de l’Union européenne et des pays non européens au milieu des années 1990, et elle a culminé en 2002. Depuis, le flux migratoire tend en revanche à ralentir. Le nombre de résidents étrangers en Suisse est l’autre versant de l’étude. Il a augmenté car le nombre de retours au pays est moins important. Les immigrés se sont sédentarisés et installés en Suisse en raison de la bonne santé de notre économie.
George Sheldon estime dès lors que l’accord sur la libre circulation des personnes n’est responsable que de 28% seulement de l’augmentation des effectifs de ressortissants de l’UE. Côté économique en revanche, l’étude de l’Université de Bâle estime que l’accord sur la libre circulation serait responsable d’un tiers de la croissance réalisée par la Confédération de 2003 à 2009. Cette immigration a profité à la productivité du travail mais aussi à la balance fiscale.
Une main-d’œuvre qualifiée
Les revenus annuels du fisc helvétique sont estimés à 15 000 francs par ménage d’immigrés européens, à travers les impôts et les cotisations sociales. Les immigrés, plus jeunes, versent plus à l’Etat et aux assurances sociales qu’ils ne touchent de subventions ou de prestations. Mais attention, l’excédent tendra vers zéro dans quarante ans.
La libre circulation n’a enfin pas eu d’impact négatif sur le taux de chômage, car, selon Valentin Vogt, elle permet aux entreprises de compenser le manque de main-d’œuvre spécialisée en Suisse. Dans le domaine des entreprises de haute technologie (MINT), il manque 16 000 ingénieurs, et dans l’industrie mécanique et métallurgique, 5% des places d’apprentis n’ont pas trouvé d’amateur.
«Dans ce contexte, une résiliation de l’accord de libre circulation et un retour aux contingents ne sont pas judicieux du point de vue économique et ne résoudraient pas la situation démographique», conclut George Sheldon.