Savoir contrôler ses émotions et avoir les nerfs solides. Le trading est un métier exigeant. Le stress auquel les traders sont soumis, le peu de temps qu’ils ont pour prendre une décision, leur capacité limitée pour traiter l’information, bref le fait d’être humain, font du trading un emploi périlleux et stressant dans la finance.

Plusieurs fintechs se profilent dans la gestion de ce stress. Certaines s’emploient à mesurer la fréquence cardiaque des traders, d’autres utilisent des systèmes algorithmiques pour analyser leurs conversations. Leur objectif commun est de détecter les pics de tension ou, mieux, de les prédire. Plusieurs recherches ont su confirmer ce lien entre émotions et performance.

Montres connectées et réactions psychophysiques

Un laboratoire au MIT a notamment développé un logiciel qui mesure en temps réel les réactions psychophysiques des traders grâce à des capteurs connectés à leurs poignets. Les chercheurs ont ainsi pu lier la fréquence cardiaque, la quantité de transpiration et le niveau de stress en général avec leur capacité à prendre de bonnes décisions de trading. En croisant ces données avec l’historique comportemental du trader, le système peut dès lors détecter si son état émotionnel peut le conduire à prendre de mauvaises décisions. Et ainsi l’empêcher d’entrer ou de sortir d’une position.

Une autre équipe de chercheurs, menée par John Coates, un neuroscientifique de l’Université de Cambridge, est arrivée à des conclusions analogues. En analysant l’activité des traders d’un grand hedge fund de la City de Londres, ils démontrent que ceux utilisant activement des montres connectées avec fréquence cardiaque, et en étant conscients de son usage, parviennent à mieux gérer leur stress et obtenir ainsi de meilleures performances.

Il en ressort de ces études qu’avec un engagement émotionnel accru, le trader devient soit trop agressif, soit trop craintif, et les résultats en pâtissent. A l’inverse, un rapport émotionnel trop faible verra ce même trader être quelque peu déconnecté de ses objectifs, avec pour conséquence des performances moindres. L’équilibre est donc fragile, mais mesurable.

Systèmes d’alerte liés au stress

Plusieurs fintechs se sont lancées dans ce domaine. Fondé en 2014, l’anglais Behavox utilise notamment la machine learning, ces logiciels d’apprentissage automatique, pour analyser le niveau émotionnel des communications des traders et enregistrer leurs performances. L’analyse émotionnelle du vocabulaire utilisé lors de conversations téléphoniques est, par exemple, croisée avec les transactions réalisées. Ces données multiples permettent ainsi de déterminer quand un trader s’écarte d’un comportement standard. L’objectif de ce logiciel est ensuite d’émettre des alertes lorsque des anomalies sont détectées.

Actuellement, ces technologies sont principalement appliquées dans le domaine de la compliance (mise en conformité) au sein des banques, dans le but de démasquer la fraude et les activités suspectes. La société espagnole Fonetic, qui offre elle aussi des services d’analyse en reconnaissance vocale, compte les banques BBVA et Santander parmi sa clientèle. Des établissements tels que JP Morgan et Bank of America ont également annoncé être en relation avec des sociétés technologiques pour mieux gérer les émotions de leurs employés.

Vers davantage de contrôle

Dans le trading, les applications concrètes se compteront par dizaines. Elles permettront non seulement d’informer le management des performances en temps réel de ses employés, mais aussi de mesurer la stabilité émotionnelle d’un trader à l’heure de l’embaucher, de l’aider ensuite à moduler ses émotions au fil de la journée, et jusqu’à lui interdire l’accès aux plateformes de trading si son niveau de stress dépasse certaines normes.

Même si ces innovations sont récentes, et qu’il y a encore un long chemin vers une meilleure compréhension de la psychologie humaine, ces fintechs donnent le ton: les sociétés financières se dirigent de plus en plus vers des systèmes de contrôle comportemental, avec les incursions majeures dans la vie privée que cela implique. La question se posera toutefois s’il n’est pas plus simple à terme de robotiser la chaîne de décisions que de vouloir contrôler les émotions humaines…

* Cette chronique mensuelle traite de l’actualité sous l’angle de la finance comportementale.