La Syrie ne sera pas l’unique cause de tensions, lors du G20. Alors que l’atonie de la croissance aux Etats-Unis et la crise de la dette en zone euro avaient dominé les précédents sommets, les dirigeants mondiaux seront aux prises, ces 5 et 6 septembre à Saint-Pétersbourg, avec la crise qui déstabilise les pays émergents. «Les Etats-Unis ont retrouvé le chemin de la croissance et la zone euro est sortie de la récession, explique un haut fonctionnaire européen. L’attention sera braquée cette fois sur la Chine, l’Inde, le Brésil ou encore la Turquie, qui sont entrés dans une zone de turbulences.»

Depuis quelques mois, les grands pays émergents subissent un net affaiblissement de leurs monnaies. Il est provoqué, selon les analystes, par une fuite des capitaux au profit de places financières occidentales requinquées par les perspectives de croissance.

Les doutes sur la solidité de l’économie indienne ont fait chuter la roupie de près de 25% depuis début 2013. La livre turque, elle, a perdu 11%, le real brésilien 15% et le rouble 10%. Une dépréciation peut certes donner un coup de fouet aux exportations, mais lorsqu’elle atteint cette ampleur, elle grève les recettes d’exportations et alourdit la facture des importations. Seule la Chine, avec sa politique autonome de taux de change, échappe à cette volatilité. «Nous voulons voir s’ils en sont victimes ou si les racines du mal se trouvent ailleurs, sachant que les pays émergents ne forment pas une entité homogène», poursuit le cadre européen.

Contrariés, les pays émergents pointent du doigt la politique d’assouplissement monétaire pratiquée par la Réserve fédérale (Fed) et par la Banque centrale européenne (BCE). Et ce n’est pas la première fois. Dès 2008, l’excès de liquidités découlant de ces stratégies dans des économies en panne trouvait son chemin vers les pays émergents en pleine croissance, où les rendements étaient plus juteux et plus rapides.

Le ministre brésilien des Finances avait alors attiré l’attention sur les risques liés à l’arrivée massive des capitaux. Il avait évoqué la «guerre des monnaies», faisant référence à l’appréciation du real, qui rendait les exportations brésiliennes moins compétitives et exposait la production nationale à une concurrence plus vigoureuse. A présent, alors que se profile le crépuscule de ces politiques monétaires ultra-accommodantes dans les économies développées, les liquidités prennent le chemin inverse, affaiblissant les monnaies et les places financières des pays émergents.

Lors de la dernière réunion des ministres des Finances du G20 en juillet à Moscou, le Brésil et la Russie avaient demandé aux Etats-Unis une communication claire sur la fin de la politique d’assouplissement monétaire. Réponse de Washington: «Si la Réserve fédérale change de stratégie, c’est que l’économie américaine repart, ce qui constitue une bonne nouvelle pour la planète entière.» Du côté de Bruxelles, on voit également d’un bon œil un transfert des capitaux au profit des marchés européens redevenus attractifs. «Cela donnerait une impulsion supplémentaire à notre croissance», se réjouit un diplomate présent à Saint-Pétersbourg.

Alors que de nombreuses questions à l’agenda du G20 (fiscalité, emploi, croissance) ont déjà trouvé un certain consensus dans des réunions préparatoires, la politique monétaire de la Fed comme celle de la BCE feront l’objet d’âpres discussions. Les pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont déjà consenti des milliards pour défendre leur monnaie. Ils pourraient maintenant demander au Fonds monétaire international de créer un fonds ad hoc. Sujet délicat, puisque toutes les décisions prises au sein de cette institution doivent d’abord obtenir l’aval des Etats-Unis et que des réformes sur son actionnariat, votées en 2010, sont restées sans suite. Les BRICS se réunissent jeudi matin pour affiner leur stratégie avant la rencontre du G20.

Pour un analyste, les tensions monteront de plus d’un cran si les pays émergents songent à nouveau à introduire des restrictions dans le mouvement des capitaux afin d’enrayer leur volatilité. «Nous ne le souhaitons pas, réagit un diplomate à Bruxelles. Elles peuvent compromettre la reprise. Tout le monde est conscient des conséquences négatives de telles mesures. Le Fonds monétaire international admet qu’elles ne doivent être activées qu’en dernier recours.»

Les pays du BRICS se retrouvent jeudi matin, avant le G20, pour affiner leur stratégie