Une PME veut faire renaître le système de consigne
Environnement
Un nouveau projet du nom de Réseau Consignes a vu le jour dans le canton de Vaud et propose aux petits producteurs locaux un système de consigne basé sur la mutualisation des infrastructures. Le projet, qui arrivera ce mois au terme de sa phase pilote, remet au goût du jour de vieilles recettes avec des techniques d’aujourd’hui

Démystifier la consigne. C’est le but que s’est fixé Hervé Le Pezennec en lançant à la fin de l’été Réseau Consignes. La phase pilote s’achèvera seulement à la fin du mois d’octobre, mais son initiateur peut déjà constater qu’au vu de l’engouement des consommateurs et des producteurs, Réseau Consignes devrait durer. L’idée est simple: au lieu d’acheter des emballages qui seront jetés ou recyclés, les producteurs – par exemple de lait, fromage ou bière – achètent des contenants en verre à l’entreprise, qui se charge de les livrer, les reprendre, les nettoyer et les ramener. Ce projet réactualise un système tombé en désuétude au début des années 1980 avec des techniques bien actuelles.
Après avoir travaillé pendant trente ans dans l’informatique, Hervé Le Pezennec, 53 ans, a décidé de se lancer dans une activité «en phase avec ses préoccupations actuelles», qui portent sur la transition aussi bien écologique qu’économique. Pour l’instant, il s’active tout seul dans son entrepôt situé à Gimel (VD) au pied du Jura et ne s'attend pas à se dégager un salaire avant 2020. Pour cette phase pilote, il travaille avec huit producteurs: il lui en faudra environ 70 pour atteindre la rentabilité.
Faire du neuf avec du vieux
En Suisse, le système de consigne dans les magasins alimentaires a perduré dans certains cas isolés. En revanche, son usage généralisé a disparu vers le début des années 1980 au profit des emballages jetables. Pour Joël Jornod, docteur en histoire et en sociologie, spécialiste de l’histoire de la consommation et du commerce de détail, le déclin du système de consigne doit se comprendre comme une conséquence de l’avènement, dès 1948, des magasins en libre-service basés sur le pré-emballage – entendez là: les ancêtres des supermarchés.
Combinées à cette évolution, la dynamique «d’achat d’impulsion» promue par les stratégies marketing de ces nouveaux types de magasins d’une part et la diffusion de la voiture d’autre part ont profondément transformé les modes de consommation. Plus besoin de s’organiser: les produits sont préemballés, souvent dans de petites quantités, des sacs en plastique sont disponibles aux caisses, et tout est regroupé dans un seul et même magasin situé en périphérie et accessible en voiture.
Une nouvelle ère de la consommation prend forme, et la consigne n’y a plus sa place. Une fois ces routines solidement ancrées, il devient très difficile de faire machine arrière et de revenir à un modèle d’antan, commente Joël Jornod. En revanche, comme l’illustre l’actuel bourgeonnement d’épiceries en vrac, de restaurateurs proposant des plats à l’emporter consignés, ou le projet de Réseau Consignes, «on s’inspire d’anciens modèles pour les renouveler, et on réinterprète d’anciennes recettes avec des techniques d’aujourd’hui».
Retour à large échelle?
L’innovation majeure de Réseau Consignes consiste en la mutualisation des infrastructures. Par ailleurs, Hervé Le Pezennec planche aussi sur la création de points de collecte de consigne centralisés, de sorte que les consommateurs aient davantage de choix quant au lieu de retour des emballages. Enfin, il réfléchit à un moyen de virtualiser la consigne et prévoit la mise en place d’un code «QR» permettant d’obtenir des informations détaillées sur le produit (origine, producteur, trajet).
Le retour de la consigne est plébiscité par nombre de défenseurs de l’environnement, louant les vertus du verre réutilisable face à l’usage de plastiques, recyclables ou non. Joël Jornod estime que la question cruciale pour le retour à large échelle de la consigne «sera de savoir si les grands distributeurs s’y mettent ou non».
Contacté, le porte-parole de la Communauté d’intérêt du commerce de détail suisse, représentant à la fois les magasins Migros, Coop, Denner et Manor, répond que le système de recyclage fonctionne très bien et que, pour l’heure en tout cas, «il n’y a pas de nécessité de remplacer un système qui fonctionne par un autre».
Qui paie quoi?
Avec ce système, les consommateurs ne paient pas plus cher, pour autant qu’ils rapportent la bouteille au distributeur. Pour les producteurs qui utilisent déjà du verre, les frais n’augmentent pas. La seule hausse concerne ceux qui utilisent du plastique et qui décident de passer au verre (par exemple, une bouteille d’un litre en verre coûte 35 centimes, contre 32 centimes pour du plastique). Réseau Consignes achète une bouteille à 70 centimes et la vend 35 centimes au producteur; c’est donc à partir d’un certain nombre de cycles de lavage que le modèle devient rentable. En somme, le producteur paie à chaque fois 35 centimes pour sa bouteille, mais, au lieu de payer pour l’achat d’un nouvel emballage, il paie l’entreprise pour le service de nettoyage et de logistique. C. Ch.