En fait, «on discute, mais la vedette, c’est lui». Yann Cotte pousse la porte d’un petit local à l’entrée des bureaux de Nanolive à l’Innovation Park de l’EPFL et pointe un microscope et un écran qui projette ce qu’il y a sous la lentille. Nous sommes jeudi 22 septembre, et le fondateur et directeur général de la start-up lausannoise s’apprête, avec sa responsable de la communication, Lisa Pollaro, à embarquer la machine. Direction la Silicon Valley. Sept kilos, une valeur à l’achat de 20 000 francs et, parfois, quelques difficultés à expliquer à la douane américaine le contenu de ce bagage spécial, disruptif parce qu’il permet aux chercheurs d’étudier des cellules vivantes sans les endommager et à un prix inférieur à ce qui existe déjà.

Ce dimanche, à San Francisco, pourtant, le microscope entre aux Etats-Unis comme dans un laboratoire. Lisa Pollaro et Yann Cotte y sont restés toute la semaine dernière, invités par Swisscom, tout comme une poignée de journalistes. Ils font partie des cinq start-up qui ont été sélectionnées pour le Swisscom Start-up Challenge, organisé chaque année: cinq jours où l’opérateur télécom les coache et leur organise un marathon de rencontres individuelles avec des investisseurs – Nanolive cherche à lever 8 millions de francs –, des clients et des partenaires potentiels au cœur de la vallée de l’innovation.

Présentation à Stanford

Le programme est chargé et compte les plus grands acteurs de la vallée, dont une entité de Google, qui s’est intéressée aux microscopes de Nanolive. «Swisscom est extrêmement bien introduit, je n’ai jamais vu une telle liste de contacts possibles», avoue Lisa Pollaro. Presque trop. Après cinq jours, les représentants de Nanolive, comme ceux d’autres start-up sont lessivés, d’avoir «pitché» jusqu’à sept fois par jour leur projet, leur modèle ou leur produit. Le tout en tenant compte de l’interlocuteur: un expert, prêt à faire des commentaires sans ménager les orateurs. «A qui vous adressez-vous?, demande l’un d’eux, parce que si c’est pour des investisseurs, il faudra donner d’autres informations, notamment financières, pas simplement faire une présentation.» Des spécialistes, comme à Stanford, où Nanolive a déjà vendu un appareil et est revenu faire une démonstration pendant la semaine, qui veulent connaître tous les détails du produit. Ou des investisseurs, qui souhaitent, eux, savoir comment le produit va être vendu, à qui, et si possible au plus grand nombre.

A Lausanne, Nanolive emploie 18 personnes, mais le marché américain est essentiel. D’où l’intérêt de trouver un distributeur sur place. La technologie, que Yann Cotte a développée pendant son doctorat en physique à l’EPFL, et qui a permis la création du microscope et du logiciel qui retransmet les images est sur le marché depuis fin 2015. «La réaction de la communauté scientifique a été très bonne, nous avons déjà vendu 100 microscopes», explique cet Allemand, né en France. Deuxième étape, «démocratiser» l’utilisation du microscope. Le spin-off travaille maintenant à un modèle permettant de louer ou de partager l’appareil, de façon à ce que des écoles puissent l’utiliser pour l’enseignement des sciences. Des projets sont déjà en cours dans la région lausannoise.

«Sauter d’une falaise»

Entre deux réunions, le groupe passe une matinée ensemble avec un «coach» spécialisé dans les relations avec les clients. Entre post-it, dessins, plaisanteries – chaque participant se présente en donnant un fait intéressant sur son parcours, Yann Cotte dit avoir voulu être prêtre dans son enfance –, les préoccupations sont tout à fait sérieuses: «Comment je fais pour savoir si mon interlocuteur est celui qui a le budget, qui a le pouvoir de décision?» Et pendant ce temps, le monde tourne à l’envers, c’est le responsable de l’outpost de Swisscom à Menlo Park, qui accueille l’atelier et sert le café.

Pendant la semaine, les bons conseils pleuvent. «Créer une entreprise, c’est comme sauter d’une falaise. Et en même temps qu’on tombe, il faut construire un avion qui va nous sauver. Chaque investisseur est comme une rafale de vent qui nous porte un peu plus loin», explique un entrepreneur, installé dans la Silicon Valley depuis des années et invité à raconter ses expériences. Or, «il faut en général voir 80 investisseurs avant d’en trouver un qui est d’accord de mettre de l’argent sur la table», prévient-il.

Partenaires et distributeurs potentiels

S’il fallait trouver un gagnant à cette semaine, ce pourrait être Nanolive. Swisscom a décidé d’investir un demi-million de francs dans la start-up. «Nous sommes convaincus que la technologie disruptive de Nanolive va permettre une contribution essentielle à l’amélioration de la santé», explique Roger Wüthrich-Hasenböhler, responsable des activités numériques chez l’opérateur télécom. Pour le groupe, c’est aussi un moyen de soutenir le développement de l’écosystème des start-up suisses, explique-t-elle dans un communiqué diffusé mardi.

Avant cet investissement, Nanolive avait déjà levé presque 5 millions, mais elle ne donne pas d’informations sur sa valorisation. Avec les 8 millions supplémentaires qu’elle cherche (dont l’investissement de Swisscom fait partie), la société veut poursuivre son développement et celui de nouveaux produits basés sur la même technologie, de même qu’accélérer le marketing. «Nous avons eu des discussions prometteuses avec des investisseurs potentiels pendant la semaine», explique Lisa Pollaro. «La semaine a été très intense, nous avons rencontré beaucoup de gens, et potentiellement trouvé un distributeur sur place, de même que des partenaires intéressants pour notre activité», poursuit-elle. De concret: un microscope vendu. Mais pas celui du voyage, qui retournait lundi à l’Innovation Park de l’EPFL.

Lire aussi:Les microscopes novateurs de Nanolive prêts à être commercialisés (09.03.2015)


Quatre autres start-up à la pointe de l’innovation

Fashwell, la mode à portée de clic

Vous rêvez des mêmes baskets que la personne assise en face de vous dans le train, mais vous n’avez aucune idée d’où les trouver, ni le courage de lui poser la question? L’application de Fashwell permet de prendre une photo, et via Instagram, son algorithme vous met en relation avec des magasins en ligne pour les acheter. Développée à l’EPFZ, la technologie est basée sur l’apprentissage automatique (machine learning). La start-up, que les fondateurs avancent comme le «Shazam de la mode», a été fondée en 2014 et compte 11 employés. Le but pour Matthias Dantone, l’un des trois fondateurs présents à San Francisco la semaine dernière, était surtout de trouver des marques pour s’associer avec l’application.

http://tech.fashwell.com/

Advanon, investir dans les factures des PME

Il y a d’un côté des investisseurs en mal de rendement. Et de l’autre, des PME qui se trouvent parfois à quelques centimètres du gouffre parce que leurs clients prennent du temps à régler leur facture. Entre eux, il y a Advanon, une start-up fondée à Zurich, qui propose une plateforme pour réunir les deux. Les investisseurs peuvent ainsi «acheter» une facture, le temps que le client paie, en échange d’un taux d’intérêt, qui varie en fonction du profil de risque de l’entreprise. Pour Phil Lojacono et Stijn Pieper, deux des trois fondateurs de la start-up (un Suisse, un Hollandais et un Suédois, rencontrés lors d’un stage chez Google en Irlande) présents dans la Silicon Valley, le but était de trouver des partenaires et des investisseurs. La plateforme réglementée par la Finma compte déjà 350 investisseurs et 230 PME. Les fondateurs travaillent en ce moment à son expansion en Allemagne.

https://www.advanon.com/

Qumram, enregistrer toutes les interactions en ligne avec les clients

Pour Patrick Barnert, directeur de Qumram, l’objectif de la semaine était clair: trouver des clients, des clients, encore des clients. La société, également basée à Zurich, fournit un logiciel qui permet d’enregistrer et d’analyser toutes les interactions en ligne. Le système peut, par exemple, détecter des fraudes possibles ou archiver toutes les relations avec les clients afin de s’assurer de leur conformité légale. Un outil que le responsable cherche donc à vendre à des responsables de la compliance des institutions financières, dont UBS ou Credit Suisse, notamment, font déjà partie. Pour Patrick Barnet, probablement le plus rompu des participants à l’exercice du pitch et des négociations, la semaine s’est conclue par des «résultats concrets» avec certains clients. Mais pour pouvoir en dire plus, il faudra encore plusieurs mois, le temps qu’un accord soit signé et la solution mise en place.

https://www.qumram.com/

Xsensio, un laboratoire sur la peau

C’était l’autre spin-off de l’EPFL. A un stade plus précoce de son développement. Xsensio a mis au point une technologie permettant l’analyse des données biochimiques à la surface de la peau. Elle permet ainsi plusieurs types d’applications pour mesurer la santé des personnes qui portent le capteur. Pour Esmeralda Megally, qui a obtenu une Innogrant de l’EPFL afin de développer le concept de Xsensio, les possibilités sont nombreuses, d’où des rencontres aussi bien avec des grands acteurs technologiques de la Silicon Valley, susceptibles d’intégrer les capteurs dans des objets connectés portés par les utilisateurs, ou des groupes pharma.

http://xsensio.com/